Francesco de Pinedo était un célèbre aviateur italien qui entreprit deux fantastiques voyages autour du monde. Le premier, en 1925, l'emmena de Rome au Japon puis retour à Rome en passant par l'Australie. Le deuxième, celui qui nous intéressera ici, aura lieu en 1927 et sera un circuit au départ de Rome vers les forêts amazoniennes du Brésil puis retour à Rome en passant par les États-Unis, Terre-Neuve et le nord de l'Atlantique.
Ce deuxième voyage était une suggestion de Mussolini, qui voulait susciter un sentiment de fierté nationale chez les immigrés italiens nord-américains. Le circuit, difficile, servirait à démontrer la qualité et la versatilité des avions italiens ainsi que la bravoure de leurs pilotes.
Le 13 février 1927, le pilote et ses deux membres d'équipage (un navigateur et un mécanicien) décollent à bord du Santa Maria en direction de l'Afrique du Nord. Le voyage sera forcément épique et émaillé d'incidents qui transforment des hommes en héros et c'est comme tels qu'ils seront accueillis au Brésil. Le voyage se poursuit, l'Amazonie est traversée et l'avion survole bientôt le territoire américain, une première pour un avion étranger.
C'est aux États-Unis qu'un fermier négligent jete un mégot de cigarette près de l'hydravion dont on faisait le plein. Une nappe de gasoil qui flottait à la surface s'enflamme instantanément et en quelques minutes l'avion ravagé par les flammes coule par 20 mètres de fond. Les Américains offrent de remplacer l'avion mais Mussolini refuse, la gloire doit appartenir à l'Italie seule. Les Italiens construisent rapidement un second exemplaire qu'ils expédient à New York par bateau et le voyage peut se poursuivre.
Cependant, le buzz du moment, c'est la traversée de l'Atlantique New-York-Paris sans escale. L'avion des Italiens consommait trop de carburant pour participer à cette compétition qui enflammait tous les esprits. Cependant, mieux valait terminer leur extraordinaire voyage avant la réussite de cet autre exploit, afin de gagner la bataille médiatique. Les aviateurs arrivent à Terre-Neuve le 20 mai et se préparent à traverser l'Atlantique. Le même jour, un dénommé Charles Lindbergh quitte New-York à direction de Paris... S'il avait fait beau à Terre-Neuve ce jour-là, peut-être Francesco de Pinedo aurait pu voir ou entendre ronronner l'avion de l'Américain (qui aurait pu être un avion conçu par un ingénieur italien comme je l'ai expliqué dans un autre article récent).
Les conditions météos sont médiocres et au-dessus de l'Atlantique, l'hydravion lutte contre des vents de face déchaînés. Il devra amerrir à deux cents kilomètres des Açores, le carburant lui ayant fait défaut.
Le récit de ce voyage est passionnant et l'auteur a eu l'heureuse idée de le relater dans un livre, traduit en français et publié par Flammarion en 1928, Mon vol à travers l'Atlantique, par Francesco de Pinedo. Ce livre semble pouvoir se trouver aujourd'hui pour 15€. D'ailleurs, je crois que je vais réaliser dans les minutes qui viennent un achat impulsif...
Acclamé par Mussolini, nommé général, le pilote ne peut malheureusement plus entreprendre de vols téméraires. En 1933, il quitte donc l'armée italienne, voyage jusqu'au États-Unis sous un pseudonyme, achête un avion Bellanca et se prépare pour un record de distance : New-York-Bagdad. Le 3 septembre, il rate son décollage et l'avion emboutit une clôture en acier. Le pilote est projeté hors de l'appareil et s'en serait sorti à peu près indemne s'il n'avait pris le parti de courir vers son avion pour éteindre les moteurs rugissants. Au moment même où il monte à bord de l'appareil, les vapeurs de carburant s'enflamme et le célèbre pilote disparaît dans les flammes.
Et la philatélie dans tout ça ? Lors de son escale à Terre-Neuve, un timbre est surchargé en son honneur et fait rare, la surcharge est nominative : Air Mail, DE PINEDO, 1927.
Ce pli est offert par Sparks Auctions, un nouveau venu sur la scène canadienne. Son fondateur, Ian Kimmerly, a déjà conduit des ventes aux enchères dans le passé. La qualité des lots offerts à cette deuxième vente le place directement dans la cours des grands.
Il est intéressant qu'en recherchant des informations sur le vol commémoré par ce timbre, je suis tombé sur ce pli illustré sur le site de Sandafayre Stamp Auctions, manifestement envoyé par la même personne :
Voici un passage lié à son passage à Terre-Neuve :
« Le port naturel de Trepassey se trouve dans la baie du même nom, à l'extrémité sud-est de Terre-Neuve, et est formé par un bras de mer orienté vers nord-nord-est-sud-sud-ouest. Sa longueur est de sept kilomètres et sa largeur varie entre cinq cents et mille mètres. C'est un petit village de pêcheurs.
« J'avais d'abord choisi le port de Placentia, un peu plus à l'occident, mais ensuite je m'étais décidé pour celui-ci, parce qu'il avait le double avantage d'être plus abrité et de raccourcir ma première étape atlantique de quatre-vingts kilomètres.
« Le consul honoraire italien de San-Johns [sic], venu pour nous aider, avait obtenu des autorités de Terre-Neuve un wagon-lit et un wagon-restaurant dans lesquels nous nous installâmes confortablement. Sinon, il nous eût fallu loger dans une cabane de pêcheurs. »
Monsieur le pilote est douillet !
« Le soir de notre arrivée, le vendredi 20 mai, on travailla activement à alléger l'appareil en débarquant tout le matériel de réserve et à faire le chargement d'essence pour la prochaine traversée. Ce travail continua aussi le lendemain, et vers le soir, enfin, nous fûmes prêts à partir ! Les autorités de Terre-Neuve m'adressèrent des télégrammes de souhaits, et le ministre des postes me pria de porter un paquet de correspondance en Italie. »
C'est ce paquet qui nous intéresse aujourd'hui.
« Si nous avions eu la possibilité de partir le jour même de notre arrivée, nous aurions eu beau temps et vents favorables jusqu'au Açores. C'est précisément ce jour-là que partir l'Américain Lindbergh. »
Une journée de délai qui sera lourde de conséquence pour l'aviateur... mais ça c'est une autre histoire !
Le cachet au bas de l'enveloppe est celui de Trepassey, le « village de pêcheurs » et est daté du 21 may 1927, ce qui est en parfait accord avec le récit de l'aviateur.
Ce deuxième voyage était une suggestion de Mussolini, qui voulait susciter un sentiment de fierté nationale chez les immigrés italiens nord-américains. Le circuit, difficile, servirait à démontrer la qualité et la versatilité des avions italiens ainsi que la bravoure de leurs pilotes.
Le 13 février 1927, le pilote et ses deux membres d'équipage (un navigateur et un mécanicien) décollent à bord du Santa Maria en direction de l'Afrique du Nord. Le voyage sera forcément épique et émaillé d'incidents qui transforment des hommes en héros et c'est comme tels qu'ils seront accueillis au Brésil. Le voyage se poursuit, l'Amazonie est traversée et l'avion survole bientôt le territoire américain, une première pour un avion étranger.
C'est aux États-Unis qu'un fermier négligent jete un mégot de cigarette près de l'hydravion dont on faisait le plein. Une nappe de gasoil qui flottait à la surface s'enflamme instantanément et en quelques minutes l'avion ravagé par les flammes coule par 20 mètres de fond. Les Américains offrent de remplacer l'avion mais Mussolini refuse, la gloire doit appartenir à l'Italie seule. Les Italiens construisent rapidement un second exemplaire qu'ils expédient à New York par bateau et le voyage peut se poursuivre.
Cependant, le buzz du moment, c'est la traversée de l'Atlantique New-York-Paris sans escale. L'avion des Italiens consommait trop de carburant pour participer à cette compétition qui enflammait tous les esprits. Cependant, mieux valait terminer leur extraordinaire voyage avant la réussite de cet autre exploit, afin de gagner la bataille médiatique. Les aviateurs arrivent à Terre-Neuve le 20 mai et se préparent à traverser l'Atlantique. Le même jour, un dénommé Charles Lindbergh quitte New-York à direction de Paris... S'il avait fait beau à Terre-Neuve ce jour-là, peut-être Francesco de Pinedo aurait pu voir ou entendre ronronner l'avion de l'Américain (qui aurait pu être un avion conçu par un ingénieur italien comme je l'ai expliqué dans un autre article récent).
Les conditions météos sont médiocres et au-dessus de l'Atlantique, l'hydravion lutte contre des vents de face déchaînés. Il devra amerrir à deux cents kilomètres des Açores, le carburant lui ayant fait défaut.
Le récit de ce voyage est passionnant et l'auteur a eu l'heureuse idée de le relater dans un livre, traduit en français et publié par Flammarion en 1928, Mon vol à travers l'Atlantique, par Francesco de Pinedo. Ce livre semble pouvoir se trouver aujourd'hui pour 15€. D'ailleurs, je crois que je vais réaliser dans les minutes qui viennent un achat impulsif...
Acclamé par Mussolini, nommé général, le pilote ne peut malheureusement plus entreprendre de vols téméraires. En 1933, il quitte donc l'armée italienne, voyage jusqu'au États-Unis sous un pseudonyme, achête un avion Bellanca et se prépare pour un record de distance : New-York-Bagdad. Le 3 septembre, il rate son décollage et l'avion emboutit une clôture en acier. Le pilote est projeté hors de l'appareil et s'en serait sorti à peu près indemne s'il n'avait pris le parti de courir vers son avion pour éteindre les moteurs rugissants. Au moment même où il monte à bord de l'appareil, les vapeurs de carburant s'enflamme et le célèbre pilote disparaît dans les flammes.
Et la philatélie dans tout ça ? Lors de son escale à Terre-Neuve, un timbre est surchargé en son honneur et fait rare, la surcharge est nominative : Air Mail, DE PINEDO, 1927.
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Mis en vente par Sparks Auctions, vente aux enchères n° 2 du 10.06.2008, lot n° 1629. Cote : 25 000$ Prix de vente : 14 500$ |
Ce pli est offert par Sparks Auctions, un nouveau venu sur la scène canadienne. Son fondateur, Ian Kimmerly, a déjà conduit des ventes aux enchères dans le passé. La qualité des lots offerts à cette deuxième vente le place directement dans la cours des grands.
Il est intéressant qu'en recherchant des informations sur le vol commémoré par ce timbre, je suis tombé sur ce pli illustré sur le site de Sandafayre Stamp Auctions, manifestement envoyé par la même personne :
Mise à jour du 13 avril 2009
Lors de la publication initiale de ce billet, je mentionnais l'existence du livre de Francesco de Pinedo. Je me suis effectivement acheté ce livre et, bien que ce ne soit pas à proprement parler de la littérature mais un simple récit de voyage, j'ai été fasciné par les difficultés que devaient surmonter ces pionniers de l'aviation pour accomplir ce qui aujourd'hui ne semble être que simple routine.Voici un passage lié à son passage à Terre-Neuve :
« Le port naturel de Trepassey se trouve dans la baie du même nom, à l'extrémité sud-est de Terre-Neuve, et est formé par un bras de mer orienté vers nord-nord-est-sud-sud-ouest. Sa longueur est de sept kilomètres et sa largeur varie entre cinq cents et mille mètres. C'est un petit village de pêcheurs.
« J'avais d'abord choisi le port de Placentia, un peu plus à l'occident, mais ensuite je m'étais décidé pour celui-ci, parce qu'il avait le double avantage d'être plus abrité et de raccourcir ma première étape atlantique de quatre-vingts kilomètres.
« Le consul honoraire italien de San-Johns [sic], venu pour nous aider, avait obtenu des autorités de Terre-Neuve un wagon-lit et un wagon-restaurant dans lesquels nous nous installâmes confortablement. Sinon, il nous eût fallu loger dans une cabane de pêcheurs. »
Monsieur le pilote est douillet !
« Le soir de notre arrivée, le vendredi 20 mai, on travailla activement à alléger l'appareil en débarquant tout le matériel de réserve et à faire le chargement d'essence pour la prochaine traversée. Ce travail continua aussi le lendemain, et vers le soir, enfin, nous fûmes prêts à partir ! Les autorités de Terre-Neuve m'adressèrent des télégrammes de souhaits, et le ministre des postes me pria de porter un paquet de correspondance en Italie. »
C'est ce paquet qui nous intéresse aujourd'hui.
« Si nous avions eu la possibilité de partir le jour même de notre arrivée, nous aurions eu beau temps et vents favorables jusqu'au Açores. C'est précisément ce jour-là que partir l'Américain Lindbergh. »
Une journée de délai qui sera lourde de conséquence pour l'aviateur... mais ça c'est une autre histoire !
Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères du 01.05.2009, lot n° 60056. Cote : 18 000$ Valeur estimée : 8 000 à 10 000€ Prix de vente : 10 000€ |
Le cachet au bas de l'enveloppe est celui de Trepassey, le « village de pêcheurs » et est daté du 21 may 1927, ce qui est en parfait accord avec le récit de l'aviateur.