mardi 27 mai 2008

Francesco de Pinedo

Francesco de Pinedo était un célèbre aviateur italien qui entreprit deux fantastiques voyages autour du monde. Le premier, en 1925, l'emmena de Rome au Japon puis retour à Rome en passant par l'Australie. Le deuxième, celui qui nous intéressera ici, aura lieu en 1927 et sera un circuit au départ de Rome vers les forêts amazoniennes du Brésil puis retour à Rome en passant par les États-Unis, Terre-Neuve et le nord de l'Atlantique.

Ce deuxième voyage était une suggestion de Mussolini, qui voulait susciter un sentiment de fierté nationale chez les immigrés italiens nord-américains. Le circuit, difficile, servirait à démontrer la qualité et la versatilité des avions italiens ainsi que la bravoure de leurs pilotes.

Le 13 février 1927, le pilote et ses deux membres d'équipage (un navigateur et un mécanicien) décollent à bord du Santa Maria en direction de l'Afrique du Nord. Le voyage sera forcément épique et émaillé d'incidents qui transforment des hommes en héros et c'est comme tels qu'ils seront accueillis au Brésil. Le voyage se poursuit, l'Amazonie est traversée et l'avion survole bientôt le territoire américain, une première pour un avion étranger.

C'est aux États-Unis qu'un fermier négligent jete un mégot de cigarette près de l'hydravion dont on faisait le plein. Une nappe de gasoil qui flottait à la surface s'enflamme instantanément et en quelques minutes l'avion ravagé par les flammes coule par 20 mètres de fond. Les Américains offrent de remplacer l'avion mais Mussolini refuse, la gloire doit appartenir à l'Italie seule. Les Italiens construisent rapidement un second exemplaire qu'ils expédient à New York par bateau et le voyage peut se poursuivre.

Cependant, le buzz du moment, c'est la traversée de l'Atlantique New-York-Paris sans escale. L'avion des Italiens consommait trop de carburant pour participer à cette compétition qui enflammait tous les esprits. Cependant, mieux valait terminer leur extraordinaire voyage avant la réussite de cet autre exploit, afin de gagner la bataille médiatique. Les aviateurs arrivent à Terre-Neuve le 20 mai et se préparent à traverser l'Atlantique. Le même jour, un dénommé Charles Lindbergh quitte New-York à direction de Paris... S'il avait fait beau à Terre-Neuve ce jour-là, peut-être Francesco de Pinedo aurait pu voir ou entendre ronronner l'avion de l'Américain (qui aurait pu être un avion conçu par un ingénieur italien comme je l'ai expliqué dans un autre article récent).

Les conditions météos sont médiocres et au-dessus de l'Atlantique, l'hydravion lutte contre des vents de face déchaînés. Il devra amerrir à deux cents kilomètres des Açores, le carburant lui ayant fait défaut.

Le récit de ce voyage est passionnant et l'auteur a eu l'heureuse idée de le relater dans un livre, traduit en français et publié par Flammarion en 1928, Mon vol à travers l'Atlantique, par Francesco de Pinedo. Ce livre semble pouvoir se trouver aujourd'hui pour 15€. D'ailleurs, je crois que je vais réaliser dans les minutes qui viennent un achat impulsif...

Acclamé par Mussolini, nommé général, le pilote ne peut malheureusement plus entreprendre de vols téméraires. En 1933, il quitte donc l'armée italienne, voyage jusqu'au États-Unis sous un pseudonyme, achête un avion Bellanca et se prépare pour un record de distance : New-York-Bagdad. Le 3 septembre, il rate son décollage et l'avion emboutit une clôture en acier. Le pilote est projeté hors de l'appareil et s'en serait sorti à peu près indemne s'il n'avait pris le parti de courir vers son avion pour éteindre les moteurs rugissants. Au moment même où il monte à bord de l'appareil, les vapeurs de carburant s'enflamme et le célèbre pilote disparaît dans les flammes.

Et la philatélie dans tout ça ? Lors de son escale à Terre-Neuve, un timbre est surchargé en son honneur et fait rare, la surcharge est nominative : Air Mail, DE PINEDO, 1927.

Le vol de Franscesco de Pinedo

Mis en vente par Sparks Auctions, vente aux enchères n° 2 du 10.06.2008, lot n° 1629.

Cote : 25 000$
Prix de vente : 14 500$

Ce pli est offert par Sparks Auctions, un nouveau venu sur la scène canadienne. Son fondateur, Ian Kimmerly, a déjà conduit des ventes aux enchères dans le passé. La qualité des lots offerts à cette deuxième vente le place directement dans la cours des grands.

Il est intéressant qu'en recherchant des informations sur le vol commémoré par ce timbre, je suis tombé sur ce pli illustré sur le site de Sandafayre Stamp Auctions, manifestement envoyé par la même personne :

Le vol de Franscesco de Pinedo



Mise à jour du 13 avril 2009

Lors de la publication initiale de ce billet, je mentionnais l'existence du livre de Francesco de Pinedo. Je me suis effectivement acheté ce livre et, bien que ce ne soit pas à proprement parler de la littérature mais un simple récit de voyage, j'ai été fasciné par les difficultés que devaient surmonter ces pionniers de l'aviation pour accomplir ce qui aujourd'hui ne semble être que simple routine.

Voici un passage lié à son passage à Terre-Neuve :

« Le port naturel de Trepassey se trouve dans la baie du même nom, à l'extrémité sud-est de Terre-Neuve, et est formé par un bras de mer orienté vers nord-nord-est-sud-sud-ouest. Sa longueur est de sept kilomètres et sa largeur varie entre cinq cents et mille mètres. C'est un petit village de pêcheurs.

« J'avais d'abord choisi le port de Placentia, un peu plus à l'occident, mais ensuite je m'étais décidé pour celui-ci, parce qu'il avait le double avantage d'être plus abrité et de raccourcir ma première étape atlantique de quatre-vingts kilomètres.

« Le consul honoraire italien de San-Johns [sic], venu pour nous aider, avait obtenu des autorités de Terre-Neuve un wagon-lit et un wagon-restaurant dans lesquels nous nous installâmes confortablement. Sinon, il nous eût fallu loger dans une cabane de pêcheurs.
»

Monsieur le pilote est douillet !

« Le soir de notre arrivée, le vendredi 20 mai, on travailla activement à alléger l'appareil en débarquant tout le matériel de réserve et à faire le chargement d'essence pour la prochaine traversée. Ce travail continua aussi le lendemain, et vers le soir, enfin, nous fûmes prêts à partir ! Les autorités de Terre-Neuve m'adressèrent des télégrammes de souhaits, et le ministre des postes me pria de porter un paquet de correspondance en Italie. »

C'est ce paquet qui nous intéresse aujourd'hui.

« Si nous avions eu la possibilité de partir le jour même de notre arrivée, nous aurions eu beau temps et vents favorables jusqu'au Açores. C'est précisément ce jour-là que partir l'Américain Lindbergh. »

Une journée de délai qui sera lourde de conséquence pour l'aviateur... mais ça c'est une autre histoire !

Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères du 01.05.2009, lot n° 60056.

Cote : 18 000$
Valeur estimée : 8 000 à 10 000€
Prix de vente : 10 000€

Le cachet au bas de l'enveloppe est celui de Trepassey, le « village de pêcheurs » et est daté du 21 may 1927, ce qui est en parfait accord avec le récit de l'aviateur.

jeudi 22 mai 2008

Le Columbia

Le Columbia est le nom d'un avion de type Bellanca WBII, ou Wright-Bellanca II. Guiseppe Mario Bellanca était un ingénieur hors pair qui fit partie des pionniers des constructeurs aéronautiques. Il construisit son premier avion, qui fit un vol très court se terminant en crash, dès 1909.

Immigré aux États-Unis, il se lança avec plus ou moins de succès commercial dans diverses entreprises de construction aéronautique avant de construire l'avion qui nous intéresse, en 1925-1926. Cet avion, un prototype conçu avec brio, décrocha de nombreux records d'endurance et de vitesse dans les années qui suivirent. Cependant, en raison d'un différent avec le fabricant de moteur, l'avion fut vendu à une nouvelle compagnie, fondée par... Bellanca et un partenaire financier New-Yorkais. L'avion fut baptisé Columbia.

L'objectif était de vendre l'avion à celui qui désirait le plus l'acheter, Charles Lindbergh, qui en offrit 15 000$. Le financier refusa de vendre l'avion s'il ne pouvait choisir celui qui en serait le pilote... La suite est connue : En mai 1927 Lindbergh effectue en solo le vol New York - Paris et passe à l'histoire, alors que l'excellent avion de Bellanca sombre dans les oubliettes de l'histoire.

Bellanca, furieux, claque la porte de la nouvelle compagnie. Deux semaines plus tard, le Columbia effectue le vol New York - Berlin, le plus long vol jamais réalisé alors. Qui s'en souvient ?

En 1930, le Columbia s'arrête à Terre-Neuve pour un vol trans-Atlantique. Ce vol, comme plusieurs autres auparavant, emportera du courrier, affranchi avec un timbre spécialement surchargé pour l'occasion :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par H.R. Harmer, vente aux enchères n° 2990 du 21.01.2009, lot n° 2687.

Cote : 17 500$
Valeur estimée : 5000 à 7500$

Mis en vente par H.R. Harmer, vente aux enchères n° 2984 du 22.05.2008, lot n° 2842.

Cote : 17 500$
Prix de vente : 9000$

Collection « Mont-Royal »

Le même collectionneur possédait, en plus de ce pli, trois autres timbres neufs, dont deux sans charnière, portant cette même surcharge, alors que seuls 300 exemplaires ont été surchargés en 1930.

L'explication réside dans le fait que la surcharge se présente sous quatre forme très légèrement différentes, probablement parce qu'un tampon comprenant quatre surcharges avait été produit. Ces différences sont imperceptibles, ce qui fait que les catalogues ne listent pas les différentes variétés. Voici les trois autres timbres de ce collectionneur (position 2, 3 et 4 de la surcharge), dont les cotes réflètent le centrage et l'état de la gomme :

Surcharge pour le Columbia

Surcharge pour le Columbia

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par H.R. Harmer, vente aux enchères n° 2984 du 22.05.2008, lots n° 2839, 2841 et 2840.

Cotes : 21 000, 14 000 et 12 000$
  Prix de vente : 22 000, 7250 et 6250$

Collection « Mont-Royal »

À l'aide de ces scans, on remarque de légères différences entre les surcharges :

Différences entre les surcharges



Il faudrait cependant confirmer, grâce à l'examen d'exemplaires supplémentaires, que ces différences sont constantes, ce qui permettrait de définir les paramètres caractéristiques de chacune des surcharges. L'autre alternative serait de consulter un ouvrage de référence sur le sujet !

Voici un exemplaire vendu il y a quinze ans :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Robert A. Siegel Auctions, vente aux enchères n° 755 du 22.10.1993, lot n° 387.

Cote : 4250$
Prix de vente : 2600$

On voit clairement, au pied du chiffre 1 de 1930, la même petite déformation que dans le troisième exemplaire (position 4) ci-haut, ce qui tendrait à confirmer qu'il s'agit d'une variété constante. À suivre...

Mise à jour du 26 mai 2008

Voici un autre pli ayant voyagé sur le Columbia, du même expéditeur que celui illustré ci-haut, T. J. Dulay & Co., opticiens et bijoutiers à St-Johns, Terre-Neuve :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Sparks Auctions, vente aux enchères n° 2 du 10.06.2008, lot n° 1630.

Cote : 17 500$
Prix de vente : 2100$

Ce pli risque cependant d'être vendu à un prix moins élevé que celui illustré plus haut car le timbre est déchiré sur la gauche.

Mise à jour du 27 octobre 2008

Un autre pli, cette fois à destination de Liverpool, également daté du 25 septembre 1930, 11h30 :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Eastern Auctions, vente aux enchères du 01.11.2008, lot n° 122.

Cote : 17 500$
Prix de vente : Inconnu

Sur ce pli, le timbre, surcharge type 2, est très bien centré. On ne cependant peut que regretter l'horrible oblitération qui masque un timbre déjà lourdement surchargé.

Voici également trois autres exemplaires actuellement en vente, histoire d'étoffer nos références :


Surcharge pour le Columbia

Surcharge pour le Columbia

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Spink, vente aux enchères n° 8021 du 13.11.2008, lots n° 939, 940 et 941.

Cotes : 5500£
Valeurs estimées : 1500 à 2500£
Prix de vente : 1600, 1600 et 3200£

Le premier de ces timbres possède deux petits défauts de surface. Le troisième, sans charnière, possède une surcharge bien plus nette et droite que les deux autres exemplaires.

Ces exemlaires représent les positions 1, 2 et 4 de la surcharge. On remarque bien, pour la position 4, la petite encoche au pied du chiffre 1 de 1930. Cependant, on ne remarque pas pour la position 2 la même forme observée précédemment pour le A de Atlantic. J'en conclus donc qu'il faut examiner d'autres exemplaires...

Mise à jour du 25 décembre 2008

J'ai profité des vacances de Noël pour justement rechercher d'autres exemplaires de cette surcharge afin de déterminer plus exactement les différences entre les quatre types. Cependant, ouvrons d'abord une parenthèse à propos de ces quatre types.

Pour préparer les 300 exemplaires de cette surcharge, 3 feuilles de 100 timbres furent d'abord séparées en blocs de quatre puis un tampon avec quatre surcharges fut appliqué manuellement sur chacun des blocs. Ainsi se trouvent expliqués les quatre types et le fait qu'il n'y a pas de plus grand mulptiple qu'un bloc de quatre qui soit possible. Au moins un bloc a survécu; je le présenterai ultérieurement.

Revenons donc aux quatre types. Voici les cinq exemplaires qui faisait partie de la collection de l'industriel Gawaine Baillie :

Mis en vente par Sotheby's, vente aux enchères n° N08203 du 10.05.2006, lots n° 728 à 732.

Valeurs estimées : 4500 à 6000$
Prix de vente : 4500, 5000, 4500, Invendu et 7000$

collection Gawaine Baillie

Il s'agit des positions 1, 2, 3, 4 et 4. Avec tous ces scans, j'ai refait un travail d'analyse un peu plus sérieux et j'ai identifié des caractéristiques qui semblent suffisantes pour permettre l'identification des types.

Une petite note pour mentionner qu'étudier la forme des lettres comme je l'avais fait au mois de mai dernier revient à étudier la précision de chaque application du tampon... et n'est donc pas un bon point de départ pour identifier des variétés constantes.

Ce montage illustre quelques différences permettant d'identifier les quatre différentes surcharges :


Position 1 Le A de MAIL est surélevé par rapport aux trois autres lettres. Une confirmation du type est le léger décalage vers le haut du b de Columbia.
Position 2 On identifie cette position par élimination des trois autres. Deux caractéristiques permettent de la distinguer de la position 3. Le I et le L de MAIL sont plus rapprochés que dans les autres positions et l'alignement vertical entre les mots Columbia et September est différent de celui de la position 3.
Position 3 On identifie cette position après avoir éliminé les positions 1 et 4. Par rapport à la position 2, les lettres MA ne sont pas tout à fait en ligne avec les lettres IL dans le mot MAIL. Pour confirmer, on examine l'alignement vertical des mots Columbia et September.
Position 4 La forme du 1 de 1930 est bien une variété constante propre à la position 4. On peut confirmer en mesurant l'alignement vertical entre le C de Cent et le 0 de 1930. Dans les autres positions, le C est légèrement plus à droite, et la ligne verticale rouge, tracée à l'extrémité droite du C coupe le 0 non pas en son centre comme ici mais plutôt tout à la droite du centre du 0.

Mise à jour du 10 janvier 2009

Décidément, le nombre d'exemplaires offerts à la vente de cette rareté est plutôt élevé. En voici trois autres :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Vance Auctions Ltd, vente sur offres n° 265 se terminant le 22.01.2009, lot n° 5377.

Cote : 12 000$
Prix de vente : Inconnu

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Eastern Auctions Ltd, vente sur offres se terminant le 14.01.2009, lot n° 1783.

Cote : 8000$
Prix de vente : Inconnu

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par Sparks Auctions, vente aux enchères n° 3 du 13.01.2009, lot n° 939.

Cotes : 8000$, 9500$ et 5500£
Prix de vente : 3200$

Malheureusement, les deux premiers exemplaires ne sont pas en particulièrement bonne condition; au premier il manque une bonne grosse dent tandis que le deuxième a perdu sa gomme et est un peu décoloré. Le troisième est en meilleure condition; il est par contre passablement décentré.

Le premier scan n'est pas suffisamment détaillé pour qu'on puisse déterminer le type de la surcharge mais le deuxième si. Il s'agirait d'un type II. Le troisième est de type IV.

Mise à jour du 20 janvier 2009

La troisième partie de la vente de la collection dite Mont-Royal sera mise en vente demain. Lors de la deuxième vente, le 22 mai 2008, un exemplaire sur lettre et trois neufs (illustrés au début de ce billet) avaient été offerts aux collectionneurs.

Manifestement, la vente de l'exemplaire sur lettre a connu une difficulté quelconque puisque le même lot est remis en vente. On saura dans deux jours si le prix atteint sera supérieur ou moindre qu'en mai de l'année dernière.

On trouve en plus un autre exemplaire neuf :

Surcharge pour le Columbia

Mis en vente par H.R. Harmer, vente aux enchères n° 2990 du 21.01.2009, lot n° 2687.

Cote : 8000$
Valeur estimée : 3000 à 4000$
Prix de vente : 5000$

Collection « Mont-Royal »

Il s'agit de la surcharge de type II, ce qui est en accord avec nos observations du mois dernier. Le timbre n'est pas particulièrement bien centré mais est en bonne condition, avec légère trace de charnière.

Mise à jour du 22 avril 2009

Et hop, encore un ! Bien centré, mais charnière à l'arrière et signé Sanabria :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 29.04.2009, lot n° 551.

Cote : 9500$
Mise à prix : 6500$
Prix de vente : 6750$

D'après nos observations plus haut, il s'agit d'une surcharge de type I.

mardi 20 mai 2008

Bleu de Prusse

Le bleu de Prusse est une couleur synthétique créée accidentellement par le peintre Heinrich Diesbach au début du dix-huitième siècle, il y a un peu plus de 300 ans. Ironie de l'histoire, il semble que c'est la principale contribution au domaine de l'art qu'on ait retenu de ce peintre...

Il est difficile d'imaginer aujourd'hui que cette synthétisation était une mini-révolution dans le monde de la peinture. En effet, à l'époque, la seule couleur bleue stable qu'on connaissait était l'outremer, obtenue à partir de lapis-lazuli, ce qui en faisait une couleur encore plus chère que l'or !

La France possède un timbre de couleur bleu de Prusse célèbre par sa rareté. Il s'agit d'un timbre de un centime de la série allégorique « paix et commerce », également connue sous le nom de « Type Sage », en vigueur de 1876 à 1900. Le timbre en question ne semble en fait n'être qu'une variété de couleur et non une teinte explicitement souhaitée par les autorités postales comme le fut le 1fr carmin en remplacement du 1fr vermillon.

Toujours est-il que cette variété de couleur est très recherchée et, le nombre d'exemplaires disponibles étant peu élevé, les prix atteignent de fortes valeurs.

1c bleu de Prusse
Mis en vente par François Feldman, vente internet n° 76 du 22.05.2008, lot n° 205.

Cote : 15 000€
Prix de départ : 6000€
Prix de vente : Invendu

1c bleu de Prusse
Mis en vente par François Feldman, vente internet n° 76 du 22.05.2008, lot n° 206.

Cote : 15 000€
Prix de départ : 4000€
Prix de vente : Invendu

Le timbre de 1c courant est de couleur noir sur azuré ou diverses autres teintes bleutées. Ainsi, il y a de la place pour le rêve : « Et si mon 1c était en fait un bleu de Prusse ? » se demande l'amateur optimiste.

Et, logiquement, on retrouve des offres de ce style :

1c bleu de Prusse
Mis en vente par henriduyn sur eBay, lot n° 120262334332.

Prix de départ : 10€
Prix de vente : 20,50€

Il s'agit bien évidemment d'une reproduction ou d'un timbre normal regommé dont la couleur a été altérée. Le vendeur, tout en précisant qu'il est vendu comme non-authentique, écrit qu'il s'agit

néanmoins une rare opportunité pour un collectionneur, de voir figurer dans sa collection un timbre rare, non-oblitéré, à un prix très abordable, en attendant de pouvoir dénicher un exemplaire certifié d'origine. Le nombre de vignettes disponibles est très, très limité.

Ce n'est pas un timbre rare qui est ajouté dans la collection, mais une banale reproduction, qui a néanmoins coûté 25 euros avec les frais de port à un amateur.

Ce vendeur est d'ailleurs un spécialiste des reproductions de timbres français rares ou du moins particulièrement onéreux. On trouve d'ailleurs sur les sites belges et canadiens une offre semblable pour un 1c bleu de Prusse, dont l'un a été acheté par... le même acheteur que celui illustré ci-haut !

lundi 19 mai 2008

Timbres rares et gangters

On sait que les timbres rares attirent les fraudeurs, faussaires et escrocs en tout genre. D'ailleurs certains faussaires étaient de véritables artistes et leurs reproductions étaient parfois mieux réalisées que les originaux !

Les timbres rares attirent également parfois les gangsters. En 1980, lors du deuxième salon annuel de la philatélie à Montréal, deux hommes cagoulés et armés font irruption dans la salle d'exposition, cassent une vitrine de protection et s'emparent d'un bloc de vingt-cinq timbres avant de disparaître sous le regard ébahi des personnes présentes.

Quel était ce bloc ? Un bloc de la plus célèbre erreur des timbres canadiens, le « Seaway invert ». En 1959, le Canada et les États-Unis émettent un timbre identique pour célébrer la voie maritime du St-Laurent, un énorme ensemble d'écluses et de canaux qui permet aux navires cargo de rejoindre les Grands Lacs à partir du St-Laurent.
À Winnipeg, un commis achète 30 timbres pour les besoins de l'hôtel pour lequel il travaille. Trois ou quatre de ces timbres sont immédiatement utilisés avant que quelqu'un ne remarque l'erreur : le centre du timbre, imprimé en bleu, est inversé par rapport à la légende, imprimée en rouge. Les exemplaires restants sont achetés une petite fortune par un des plus grands marchands philatéliques canadiens, Kasimir Bileski. Les vingt autres exemplaires de la feuille de 50 avaient déjà été vendus et à priori utilisés, dont certains ont été retrouvés.

Dans les mois qui suivent, de nouvelles feuilles sont retrouvés dans diverses villes d'Ontario. On estime aujourd'hui qu'environ 400 de ces timbres sont disponibles sur le marché, dont plusieurs oblitérés et même seize sur enveloppe !

Le St-Laurent inversé, bloc de quatre

Mis en vente par H.R. Harmer, vente aux enchères n° 2984 du 22.05.2008, lot n° 2400.

Prix indicatif : 64 000$
Prix de vente : 57 500$

collection « Mont-Royal »


Bien que des exemplaires neufs soient relativement souvent offerts à la vente, un bloc de quatre est un événement exceptionnel.

Les observateurs attentifs remarqueront qu'il s'agit d'un coin de feuille mais qu'il ne porte pas les traditionnelles inscriptions d'un « plate block ». La réponse est simple et cocasse. À chaque nouvelle émission, de nombreux philatélistes se précipitaient dans les bureaux de poste pour n'acheter que les coins des feuilles, un « déplorable » comportement que Postes Canada su transformer en imprimant ses feuilles normales sans inscription et en imprimant des blocs de coin avec inscriptions spécialement pour les philatélistes...

jeudi 15 mai 2008

La conquête du Royaume des Deux Siciles

Nous sommes en 1860 et l'Italie est en cours de réunification, par la force des armes.

En mai de cette année, Garibaldi s'embarque à Gênes avec un millier de volontaires pour aller conquérir le Royaume des Deux Siciles, rien de moins. Grâce au soutien de deux navires anglais, il débarqueront en Sicile puis, fort du soutien de nouveaux volontaires, réussiront à gagner difficilement une première bataille contre les troupes du jeune Franscesco delle Due Sicilie.

Deux semaines plus tard, Garibaldi réussit à prendre Palerme, les habitants de l'île s'étant soulevés contre leur roi. Le célèbre romancier français Alexandre Dumas lui apporte alors le soutien de sa plume et transforme Garibalbi en véritable héros. Une exposition à ce sujet a d'ailleurs été récemment présentée au Château de Monte-Cristo, l'éphémère demeure que l'écrivain fit construire dans les Yvelines.

Au mois d'août, fort d'une armée de 20 000 hommes grossissant de jour en jour, Garibaldi débarque en Calabre où la résistance est d'abord faible, jusqu'à ce que le roi prenne la tête de son armée de 50 000 hommes. Garibaldi entre dans Naples désertée par le roi le 7 septembre 1860 et livre, à la fin du mois, une bataille décisive contre les troupes royales.

Trois semaines plus tard, les Siciliens se prononcent favorablement, par référendum, à l'union de leur royaume avec celui de Sardaigne. La réunification de l'Italie va bon train.

Durant cette période trouble, le premier timbre émis par le royaume est réimprimé avec une légère modification, le G de grana étant remplacé par un T pour tornesi (un grana vaut deux tornesi). Voici un superbe exemplaire de ce timbre, sur fragment :

Un timbre de la poste napolitaine

Mis en vente par Aste Bolaffi Ambassador, vente aux enchères n° 38 du 16.05.2008, lot n° 440.

Prix de départ : 2500€
Prix de vente : 6500€

Ce timbre est rare, particulièrement à l'état neuf. Un deuxième tirage sera effectué la même année mais cette fois c'est tout le blason central qui sera remplacé par une croix blanche.

Mise à jour du 15 mai 2009

Voici un exemplaire sur fragment de journal :

Mis en vente par Numphil, vente aux enchères du 23.05.2009, lot n° 226.

Valeur estimée : 6000 à 8000€

On peut constater que le timbre est frappé du cachet ANNULLATO et qu'une pléthore d'experts ont apposé leur signature près du timbre.

L'extrait d'article de journal est intéressant car représentatif de l'époque à laquelle ce timbre a été imprimé, époque de bouleversements politiques en Italie. On y lit d'ailleurs la maxime Felice quello Stato che ha poche e buone leggi, heureux soit le pays régit par peu de lois mais de bonnes lois. Je ne sais pas si cette maxime a encore un sens aujourd'hui dans notre union européenne où foisonnent les lois.

En France, c'est encore pire, on adopte plusieurs fois les mêmes lois car les premières versions ne sont pas appliquées, comme la loi Evin interdisant de fumer dans les lieux publics qui est adoptée en 1991 et appliquée en 2007-2008. Je ne parle même pas de la désastreuse allocation télévisée de Jacques Chirac lors de l'adoption du Contrat première embauche en 2006 où il demande expressément que la loi votée ne soit pas appliquée...

mercredi 14 mai 2008

Pourquoi les premiers timbres de Finlande se présentent-ils tête-bêche verticalement ?

Avant de répondre à cette question, faisons deux petites parenthèses. La première pour mentionner que ce blog reprend après de longues vacances de printemps (avec quatre jours fériés répartis sur 12 jours, difficile de ne pas en profiter !) et la deuxième pour présenter rapidement une vente exceptionnelle de raretés philatéliques scandinaves.

Organisée par Spink Shreves Galleries, la vente de la collection de Scandinavie de William H. Gross est particulière pour plusieurs raisons. La première c'est que cette collection comprend de nombreux items excessivement rares (dont ceux présentés dans cet article). La deuxième c'est que la vente ne comprend que 110 lots... dont la quasi-totalité sont inaccessibles aux collectionneurs « moyens ». Finalement, la troisième est que cette collection est vendue au profit d'un organisme caritatif, le projet Millenium Villages du Earth Institute de l'Université Columbia. Ce projet vise à combattre la pauvreté par la création d'une dynamique positive et durable permettant aux habitants d'améliorer significativement leur niveau de vie. Le vendeur ne mentionne pas si lui-même consacrera une partie des frais de vente à cette oeuvre charitable...

Revenons à la question. Les deux premiers timbres de Finlande, de 5 et 10 kopecks, étaient imprimés à la main, sur des bandes de papier suffisamment large pour caser environ une dizaine d'exemplaires horizontalement. Une fois la première rangée imprimée, on faisait pivoter la feuille et on imprimait une deuxième rangée, pour un total d'une vingtaine de timbres par feuille (le nombre exact pouvait varier, le processus n'étant absolument pas automatisé).

Ainsi, les deux rangées de timbres se présentaient toujours tête-bêche. On pouvait donc découper des « paires » verticales (les timbres n'étant pas alignés, il s'agit de paires ou de blocs irréguliers comme on le verra sur les illustrations plus bas) pour obtenir les tête-bêche.

Il reste aujourd'hui très peu de ces paires, moins d'une vingtaine pour chaque timbre (un recensement a été effectué par Linder dans son livre Finland's ovalmärken), en partie parce que souvent les timbres étaient livrés aux bureaux de poste déjà séparés les uns des autres...

Voici quatre de ces paires ou blocs :

Les premiers timbres de Finlande tête-bêche

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 102 du 16.05.2008, lot n° 1019.

Cote : 600 000 kr
Valeur estimée : 50 000 à 75 000$
  Prix de vente : 57 500$

ex Fabergé
collection William Gross

Les premiers timbres de Finlande tête-bêche

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 102 du 16.05.2008, lot n° 1020.

Cote : 1 200 000 kr
Valeur estimée : 75 000 à 100 000$
  Prix de vente : 180 000$

ex Ferrary, Hind, King Carol
collection William Gross

Les premiers timbres de Finlande tête-bêche

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 102 du 16.05.2008, lot n° 1028.

Cote : 1 200 000 kr
Valeur estimée : 100 000 à 150 000$
  Prix de vente : 170 000$

ex Mertens, Fabergé, Lichtenstein, Amundsen
collection William Gross

Les premiers timbres de Finlande tête-bêche

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 102 du 16.05.2008, lot n° 1029.

Cote : 600 000 kr
Valeur estimée : 50 000 à 75 000$
  Prix de vente : 80 000$

ex Mellgren
collection William Gross

Certaines de ces paires ou de ces blocs faisaient auparavant partie de blocs plus importants, comme le montre cette photographie d'un bloc de six qui a été séparé il y a une quarantaine d'année :

Trois tête-bêche dans un bloc de six
Comme les valeurs estimées pour les blocs de quatre ne sont que le double des valeurs estimées pour les paires, il existe un risque pour que d'autres découpages aient lieu. Réponse dans quelques années ou décennies, lorsque ces pièces reviendront sur le marché...

Mise à jour du 11 avril 2009

Une autre paire oblitérée (à l'aide de croix tracées à l'encre, ce qui était courant sur les premiers timbres de Finlande) :

Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères du 01.05.2009, lot n° 60009.

Valeur estimée : 15 000 à 20 000€
Prix de vente : 19 000€