jeudi 25 décembre 2008

Un faussaire du dimanche nous bricole une rareté pour Noël

C'est un participant assidu du newsgroup fr.rec.philatelie qui a fait une observation amusante que je reprends sur ce blog.

Voici d'abord un timbre relativement commun, le 10 centimes Napoléon III « lauré », de couleur bistre :

10 centimes Napoléon III
Mis en vente par frenchcovers sur ebay, vente aux enchères se terminant le 14.12.2008, lot n° 190272901135.

Prix de départ : 0,01€
Prix de vente : 44,94€

Cet exemplaire est neuf avec gomme. Le vendeur, dans un optimisme débridé, le qualifie de superbe. Une vente bien ordinaire qui serait passée totalement inaperçue s'il n'y avait pas eu, une semaine plus tard, le lot suivant d'offert à la vente :

10 centimes Napoléon III
Mis en vente par antoseka sur ebay, vente aux enchères se terminant le 27.12.2008, lot n° 130276902164.

Prix de départ : 1,00€
Prix de vente : 25,50€

Il s'agit d'un timbre non-émis, qui est numéroté par le catalogue Yvert & Tellier et qui est donc recherché par des collectionneurs qui autrement ne s'y seraient pas intéressés. Sans être rare, il est beaucoup moins commun que son homologue sans surcharge.

On se convaincra facilement que ce timbre est le même qui celui illustré en début d'article. En examinant les listings d'enchères sur ebay, on constate que l'acheteur du premier est le vendeur du second...

Le vendeur précise que le timbre est authentique mais que la surcharge n'est pas d'époque. On s'en doute, vu sa médiocre ressemblance avec l'original. Le procédé utilisé est probablement numérique, vu la pixellisation. Dans ce cas, pourquoi ne pas mieux reproduire l'original ?

Comme le fait remarquer un autre lecteur de fr.rec.philatelie, on ne peut que s'incliner devant un type qui « investit » 45 euros pour acheter un timbre qu'il bidouille si manifestement pour le reproposer ensuite à la vente à partir de un euro. Réussira-t-il à convaincre un acheteur ? Réponse dans quelques jours...


Mise à jour : Plus sérieusement, la détermination des types de surchage pour le vol du Columbia ainsi que l'ajout d'une page de références philatéliques accessibles sur la toile.

mercredi 17 décembre 2008

Un étonnant exemplaire du #1 de l'Île-du-Prince-Édouard sur ebay

Il y a tout juste deux semaines je présentais un timbre offert sur ebay sur lequel il était préférable de s'abstenir d'enchérir. En voici un autre :

Mis en vente par spoduck sur ebay jusqu'au 17.12.2008, lot n° 330292165032.

Prix de départ : 0,99$
Cote : 250$
Prix de vente : 27$

Le hic, c'est que le vendeur le décrit comme étant le n° 1 (numérotation Scott) alors qu'il s'agit d'un n° 5. La seule différence entre ces deux timbres est la dentelure; le premier est dentelé 9, le deuxième 12. Entre ces deux gradation, la différence est nettement visible à l'oeil nu. Une autre différence importante mais invisible cette fois, c'est que le premier vaut entre 25 et 100 fois plus que le deuxième !

Comme il peut s'agir d'une erreur de bonne foi, je l'ai signalé au vendeur, comme je l'ai déjà fait au moins une autre fois dans le passé dans exactement la même situation. Cependant, à la différence de l'autre vendeur qui avait rectifié le tir, celui-ci a ignoré ma remarque et laissé courir les enchères, qui, de façon surprenante, ont atteint un montant élevé considérant l'erreur manifeste.

Lecteur et collectionneur néophyte, soit vigilant !

Voici un exemple du n° 1 :

Île-du-Prince-Édouard, two pence
Mis en vente par Philosopher's Philately sur ebay jusqu'au 19.12.2008, lot n° 360115209389.

Cote : 600$
Prix de départ : 9,99$
Prix de vente : 104,01$


La description du vendeur est détaillée :

No cancel. No gum. This stamp has been freshly washed in plain water to remove old hinges and shreds of paper, and to reveal any hidden faults. There are two horizontal creases very close to the top edge, with a tiny 1mm closed tear below the W of Edward. The tip of the SW corner is thinned. No other faults or thins.

Malgré les (nombreux) défauts du timbre, l'acheteur peut enchérir en toute connaissance de cause.

À titre de comparaison, voici un exemplaire du n° 5, dentelé 12 :

Île-du-Prince-Édouard, two pence
Mis en vente par padstamps sur ebay jusqu'au 21.12.2008, lot n° 250343859869.

Prix de départ :
Prix de vente :

mardi 16 décembre 2008

Heligoland, l'effigie de la Reine Victoria et un destin tourmenté

La présence de l'effigie de la Reine Victoria sur des timbres de Heligoland, offerts dans une vente consacrée aux états allemands, attire mon attention. Grâce à mon encyclopédie préférée, j'apprends que Heligoland est un archipel de petites îles situées à 70 km au nord-ouest de l'Allemagne. Si la Reine Victoria orne les premiers timbres-poste de cette île germanique, c'est tout simplement qu'en 1867, ce sont les Anglais qui « possèdent » le territoire. En 1890, elle sera « restituée » aux Allemands, et deviendra partie intégrante du territoire allemand, et plus particulièrement du Schleswig-Holstein.

Lourdement bombardée durant la deuxième guerre mondiale en raison de la présence d'une base navale allemande, l'île servira de zone de bombardement d'essai durant sept années avant d'être remise aux Allemands. Dans un souci de destruction qui échappera peut-être à ceux d'entre nous qui n'ont pas connu la guerre, les Britanniques feront exploser simultanément près de 7000 tonnes d'explosifs le 18 avril 1847 afin de raser les fortifications de l'île. Triste passé.

Revenons à la philatélie. Bien que minuscule (aucune île ne dépasse le km carré), l'archipel fut au dix-neuvième siècle un lieu de villégiature prisé. Il y a donc une réelle correspondance postale avec le continent :

Un courrier d'Heligoland
Mis en vente par Till Neumann Klassische Philatelie, vente aux enchères n° 3 du 10.01.2009, lot n° 244.

Prix de départ : 18 000€
Prix de vente : 18 000€

Cette lettre, postée le 27 juillet 1868, est affranchie de 3½ schillings (et non shillings, la devise utilisée n'est donc pas celle de conquérant anglais), le tarif alors en vigueur pour une lettre standard à destination de l'Allemagne.

Son prix est élevé car seuls 30 000 exemplaires du timbre de ½ schilling furent imprimés (en deux tirages, le premier de 20 000 exemplaires le 21 mars 1867, le deuxième le 25 août 1868) et 40 000 exemplaires du timbre de 1 schilling (le 21 mars 1867, avec les autres timbres de la série, 2 et 6 schillings). D'ailleurs, le tarif de 3½ schillings était le plus souvent réalisé à partir de la combinaison 2+1+½ schillings.

Les premiers timbres d'Heligoland sont un vrai défi pour le collectionneur, au moins dix réimpressions eurent lieu à Berlin, Leipzig et Hambourg jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle. C'est l'avantage de les collectionner sur lettre, le risque de confusion avec ces réimpressions est fortement atténué.

dimanche 14 décembre 2008

La tentative de vol transatlantique de Martinsyde, Raynham et Morgan

En parcourant les divers sites de ventes aux enchères, on tombe parfois sur des pièces inconnues qui nous invitent à chercher le pourquoi de leur existence. Voici l'une d'entre elles :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 08.01.2009, lot n° 950.

Prix de départ : 8500$
Prix de vente : Invendu

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 09.11.2010, lot n° 936.

Prix de départ : 8500$

Prix de vente : Invendu


Ce pli est adressé à Edwin Cleary, Londres et est affranchi de quatre timbres de la série « Caribou » surchargés « 1st Atlantic Air Post, Martinsyde, Raynham, Morgan ». Cette surcharge n'est pas répertoriée dans les catalogues que j'utilise et c'est la première fois que je la vois.

La surcharge ressemble à celle utilisée sur un 3¢ caribou pour un autre premier vol transatlantique. Qu'en est-il donc de celle-ci ?

Tout d'abord, Martinsude, Raynham et Morgan ont bien tenté par deux fois une traversée de l'Atlantique en avion en 1919. La première le 18 avril 1919, six jours après la tentative malheureuse dHawker et Grieve. Le vol sera bref, l'avion ne réussissant pas à décoller. La deuxième tentative aura lieu en juillet mais un crash au décollage rendra l'avion inutilisable.

Ce vol devait-il transporter du courrier ? Oui, et le postier-maître J. A. Robinson avait écrit à l'encre manuscrite « Aerial Atlantic Mail JAR » sur quelques dizaines d'exemplaires du 3¢ caribou. Les lettres partiront donc par bateau dans les bagages des pilotes.. qui les oublieront six mois avant de les remettre à la poste Londonienne.

Revenons à notre lettre. Edwin Cleary était un reporter du Daily Express, envoyé spécial à Terre-Neuve pour couvrir les tentatives de traversée de l'Atlantique. La surcharge a probablement été réalisée par M. Cleary lui-même, le postier-maître ayant nié le caractère officiel de ces surcharges. D'ailleurs, ce que le vendeur ne précise pas explicitement, c'est qu'on ne trouve pas au dos de l'enveloppe de cachet d'arrivée. Il est donc hautement probable que cette lettre (et les quelques autres connues) n'ait tout simplement pas voyagé par le système postal.

Il s'agit donc à priori d'une fabrication privée, d'une curiosité.

Mise à jour du 28.10.2010

Cette curiosité a bien du mal à trouver preneur, puisqu'elle est toujours en vente aujourd'hui, au même prix.

mardi 9 décembre 2008

10¢ vert, « Z grill »

De 1867 à 1870, les autorités postales américaines mirent en place un système expérimental destiné à enrayer la réutilisation frauduleuse de timbres-postes. Déjà à cette époque, de petits malins « lavaient » l'oblitération, ce qui permettait de réutiliser le timbre.

L'idée est simple mais il fallait y penser. Il s'agit de presser fermement sur le timbre une grille métallique où chaque élément est composé de petites pointes, ce qui a pour effet de briser les fibres du papier. Ainsi, l'encre de l'oblitération imbibe les multiples petites fractures et il devient très difficile de l'enlever. Pour avoir une idée de l'effet, imaginez la pression d'une râpe à épice sur une feuille de papier.

On classe les différents types de grilles par leur taille et le sens du relief créé par la grille. Il semble en effet que l'American Bank Note eut quelques difficultés avec le procédé et modifia donc les paramètres plus d'une fois. À chaque type est associée une lettre, A, B, C, D, E, F, G, H, I, J ou Z, selon une convention bientôt centenaire.

La grille de type Z mesure environ 11 x 14 mm et est composée de petites formes pyramidales dont le faîte (la pyramide ne se termine pas pas une pointe mais par une ligne de faîte, un peu comme sur une toiture) est horizontal par rapport à la base du timbre.

Six exemplaires du timbre suivants sont connus avec une grille de type Z :

10¢ vert, Z grill
Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 967 du 16.12.2008, lot n° 4190.

Cote : 225 000$
Prix de vente : 550 000$

ex Ishikawa

Quel sera le prix atteint par cette rareté ? Difficile à dire mais il risque d'être très élevé. Voici par exemple le résultat d'une vente d'octobre où un 3¢ avec grille de type B, connu à quatre exemplaires (les quatre provenant d'un seul et même affranchissement découvert en 1969 !) :


3¢ B grill

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 963 du 28.10.2008, lot n° 557.

Cote : 240 000$
Prix de vente : 900 000$

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 468 du 25.03.1975, lot n° 82.

Cote : 27 000$
Prix de vente : 23 000$

Un peu plus et le record pour un timbre américain était battu. Le record (en vente publique) est de 935 000$ en 1998, pour un 1¢ « Z grill » donc deux exemplaires connus dont un seul disponible pour les collectionneurs.

Il y a un autre timbre dans la série des grilles qui risque d'atteindre un prix faramineux. Non pas qu'il soit particulièrement rare mais l'exemplaire offert, grille F, s'est mérité un Gem 100 de Professional Stamp Experts et le catalogue de vente en fait un éloge dithyrambique :

 F grill, Gem 100

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 967 du 16.12.2008, lot n° 4210.

Cote : 375$
Cote : 10 600$
Prix de vente : 50 000$

La deuxième cote est l'estimation par P.S.E. de la valeur d'un Superb 98. Atteindrons-nous 50x la cote ? Ça dépend si les collectionneurs-investisseurs ne se fient qu'à la note ou à leur jugement, qui leur susurrera à l'oreille que le timbre est sans conteste magnifique mais qu'il y a quand même une dent un chouia trop courte en bas...

Mise à jour du 26 janvier 2009

Voici un autre superbe exemplaire du 15¢ Lincoln, grille F :

F grill, Superb 98

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 968 du 27.01.2009, lot n° 124.

Cote : 4500$
Prix de vente : 55 000$

Cet exemplaire, noté Superb 98, a la particularité d'être neuf, avec légère trace de charnière. Au jour d'aujourd'hui, seuls trois exemplaires neufs ont obtenu une évaluation supérieure à Fine 70 et celui qui nous intéresse est de loin le plus beau. Le prix de vente devrait donc être exceptionnellement élevé.

mercredi 3 décembre 2008

La première série de timbres commémoratifs du Canada

En Juin 1897, la reine Victoria, qui est depuis un peu moins d'un an la détentrice du record de longévité à la tête de la monarchie britannique, se prépare à fêter ses 60 ans de règne.

Le Canada décide pour l'occasion d'émettre une série de seize timbres commémoratifs, du ½¢ au 5$, une somme colossale pour l'époque. En effet, un ouvrier devait consacrer plus d'une semaine de son salaire pour l'acquérir ! Pour la même somme, on pouvait également se procurer 50 kg de surlonge de boeuf.... C'est un peu comme si La Poste émettait aujourd'hui une série de Marianne dont les faciales allait jusqu'à 100€ et qu'il fallait débourser 250€ pour acheter toute la série. On trouve de la surlonge de boeuf à 5€ / kilo aujourd'hui ?

Les seize timbres présentent le même motif, deux portraits de Victoria dont la célèbre et si belle effigie Chalon, qui d'ailleurs orne également le timbre le plus rare du Canada. Une autre particularité de cette série est que plusieurs mois avant le début de la vente, le nombre d'exemplaires de chacun des timbre est fermement arrêté et rendu public.

½¢ noir
150 000
1¢ jaune 8 000 000
2¢ vert 2 500 000
3¢ rose 20 000 000
5¢ bleu 750 000
6¢ brun 75 000
8¢ violet 200 000
10¢ brun 150 000
15¢ bleu 100 000
20¢ orange 100 000
50¢ bleu 100 000
1$ rouge 25 000
2$ mauve 25 000
3$ brun 25 000
4$ mauve 25 000
5$ vert 25 000

Muni de ces informations, les spéculateurs et les philatélistes se ruèrent dans les bureaux de poste le 19 juin 1897 afin d'acquérir le ½¢ et le 6¢ dont les tirages étaient faibles par rapport à la valeur faciale. Après tout, avec 750$ il était théoriquement possible d'acheter la totalité du stock de ½¢ !

Ainsi, six jours plus tard, le superintendant des postes interdit la vente de ces deux valeurs sauf achat d'un ensemble complet ce qui, vu le prix, stoppe net l'euphorie. Le superintendant réitère cependant que de nouveaux tirages ne seront pas réalisés si certaines valeurs venaient à être épuisées.

Les collectionneurs râlent contre cette série qui semblent être destinée à alléger leur portefeuille, les passions se déchaînent et finalement, les plus hautes valeurs ne seront pas épuisées avant plusieurs années. Le 4$ ne se serait écoulé qu'à moins de 10 000 exemplaires.

Ces timbres sont aujourd'hui appréciés pour leur beauté, les polémiques de l'époque étant définitivement oubliées tout en étant toujours d'actualité (ce qui prouve bien que même si les collectionneurs râlent, ils achètent puisque ça fait 100 ans que ça dure !). Le prix des plus hautes valeurs à l'état neuf demeure relativement faible par rapport au tirage, justement parce que ces timbres ont surtout été achetés par des collectionneurs.

Voici un superbe exemplaire du 5$, neuf sans charnière :

Mis en vente sur ebay par Anthony's jusqu'au 8 décembre 2008, lot n° 200281444292.

Prix de départ : 1395$
Cote : 4000$

Prix de vente : Invendu

Il y a malheureusement un problème. Le prix. Il est nettement trop bas. Si le timbre est réellement dans la condition décrite, il vaut au moins la valeur de sa cote et même plus pour cette valeur très difficile à trouver sans charnière.

J'ai demandé au vendeur s'il était possible d'avoir un certificat d'authenticité. Sa réponse fut rapide et courtoise mais ferme : pour un certificat d'authenticité, à moi de me débrouiller.

De deux choses l'une : soit le vendeur tente une escroquerie, soit il est ignorant de la valeur des timbres qu'il vend. Dans ce deuxième cas, c'est une occasion inespérée de faire rapidement quelques milliers de dollars... mais je n'y crois pas trop. Un vendeur à éviter donc, malgré ses 55 000 commentaires positifs.

Voici un exemple récent de la vente d'un superbe exemplaire, avec gomme originale mais très légère trace de charnière (ce qui divise quand même la valeur par trois par rapport à une gomme intacte) :

Canada, 5$ Jubilé

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 960 du 26.06.2008, lot n° 1100.

Cote : 1250$
Prix de vente : 2600$