jeudi 28 mai 2009

Lorsque l'Amérique défendait Cuba

Difficile d'imaginer les Américains portant secours aux Cubains oppressés alors que depuis 1959 leur plus fidèle ennemi, Fidel Castro, dirige d'une main de fer (à la santé déclinante aujourd'hui) cette grande île située non loin de la Floride dans le golfe du Mexique.

Pourtant, à la fin du dix-neuvième siècle, Cuba était sous domination espagnole. À la suite de diverses tentatives infructueuses de révolution, les Espagnols mènent une répression qui devient de plus en plus rigoureuse. Des exilés cubains en territoire américains alertent l'opinion publique et les Américains manifestent de plus en plus d'intérêt pour leur voisin. En 1898, une révolte éclate à La Havane et les Américains envoient une frégate sur place, histoire de bien faire sentir leur présence aux dirigeants Espagnols. Trois semaines plus tard, cette frégate explose dans le port, faisant plus de 250 victimes.

La tension monte entre les Espagnols et les Américains et ces derniers votent une résolution soutenant l'indépendance de Cuba et demandant aux Espagnols de se retirer. L'Espagne déclare la guerre le 25 avril 1898. Mal lui en prendra car la guerre hispano-américaine comme on la nomme aujourd'hui en français restera pour les Espagnols « el desastre del 98 ». Ils y perdront plusieurs de leurs colonies, ce qui sonne le glas des restes de l'impérialisme espagnol. À l'opposé, les États-Unis font une entrée fracassante sur la scène internationale.

Cuba deviendra indépendant  en 1902.

La philatélie nous rappelle ces événements et nous illustre une autre conséquence de la guerre :

 
Mis en vente par Heritage Auction Galleries, vente aux enchères du 03.06.2009, lot n° 37067.

Valeur estimée : 600 à 800$

ex Bosley, Dattolico 

Postée de Washington D.C. pour La Havane, cette lettre arrive à New York le 23 avril 1898, juste avant la déclaration de guerre. Elle n'accomplira jamais la deuxième moitié du parcours puisque comme l'indique l'étiquette « les envois vers l'Espagne ou ses colonies sont interdits pour cause de guerre ». La lettre finira tristement au rebut, l'expéditeur n'ayant semble-t-il pas laissé d'adresse...

Tout n'est pas perdu pour autant puisqu'elle s'affiche aujourd'hui sur ce blog !

vendredi 15 mai 2009

Une vente aux enchères dans le style hexagonal

Lorsqu'on compare les catalogues de vente des maisons françaises avec à ceux des vendeurs anglo-saxons, des vendeurs des pays nordiques ou de la Suisse, on remarque immédiatement une différence de style. Là où les Américains aiment bien décrire et vanter (parfois outrageusement) les objets mis en vente, le Français se contente d'être le plus bref possible.

Dans l'esprit de chacun, peut-être la langue française doit-elle être réservée aux mots doux murmurés entre amants....

Voici un exemple de l'absence de prolixité qui me laisse perplexe :

Mis en vente par Numphil, vente aux enchères du 23.05.2009, lot n° 107.

Valeur estimée : 15 000 et 20 000€

On lit « 1853-1860, 20c bleu oblitéré étoile rouge, C. PLOMBIERES en rouge sur enveloppe pour Paris. 14 juillet 1859. Grande rareté de qualité exceptionnelle, la plus belle lettre connue, signé et certificat Calves, signé Scheller. Yvert 14A, Cérès 14 I ».

Cette description donne quelques informations importantes : le timbre utilisé, la description du cachet, la présence d'un certificat d'authenticité. Cependant, absolument rien n'indique au collectionneur peu érudit qu'est-ce qui est d'une grande rareté. Le timbre est tout ce qu'il y a de plus commun, l'étoile rouge n'est pas une grande rareté, le pli ne semble pas présenter de caractéristiques exceptionnelles (comme un texte historique). Reste le cachet à date, Plombières, 14 juillet 1859. Peut-être un lecteur plus versé que moi pourra-t-il m'éclairer ?

Il s'agirait de la plus belle lettre connue mais j'ai quand même l'impression qu'elle a été pliée. Peut-être est-ce une caractéristique que le vendeur considère qu'il n'a pas à mentionner.

Il y a d'autres différences qui distinguent les vendeurs Français. Déjà, une vente aux enchères en France ne semble pouvoir être organisée que par un commissaire-priseur, un titulaire d'une charge qui, comme la charge d'un notaire, doit être achetée. Le métier de commissaire-priseur est très encadré et les intéressés se plaignent justement de ce cadre légal qui entrave leur compétitivité internationale. Cependant, et je cite wikipédia, « dans la plupart des autres pays, ce cadre est en effet beaucoup moins contraignant voire inexistant, réduisant d'autant les garanties dont bénéficient tant les acheteurs que les vendeurs ». Est-ce vraiment le cas ?

Examinons un point des conditions de vente qui m'a étonné :

Tous les biens sont vendus tels quels dans l’état où ils se trouvent au moment de la vente avec leurs imperfections ou défauts. Aucune réclamation ne sera possible relativement aux restaurations d’usage et petits accidents. Il est de la responsabilité des futurs enchérisseurs d’examiner chaque bien avant la vente et de compter sur leur propre jugement aux fins de vérifier si chaque bien correspond à la description.

Les indications données par Numphil sur l’existence d’une restauration, d’un accident ou d’un incident affectant le lot, sont exprimées pour faciliter son inspection par l’acquéreur potentiel et restent soumises à son appréciation personnelle ou à celle de son expert. L’absence d’indication d’une restauration d’un accident ou d’un incident dans le catalogue, les rapports, les étiquettes ou verbalement, n’implique nullement qu’un bien soit exempt de tout défaut présent, passé ou réparé. Inversement la mention de quelque défaut n’implique pas l’absence de tous autres défauts.


Incroyable ! On ne garantit même pas à l'acheteur que les lots sont décrits de façon exacte; c'est à lui de vérifier que la description du vendeur est précise en examinant les lots à l'avance. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler des conditions de vente qui augmentent la garantie dont bénéficie les acheteurs !

Dans les ventes nord-américaines, les conditions ressemblent le plus souvent à celles-ci :

In our opinion, all lots are as described. If a prospective purchaser wishes to obtain another expert opinion - acceptable to us - on a lot (not including mixed lots or collections containing undescribed stamps), he must request an extension in writing before the time of the auction (on the bid sheet is acceptable). Lots sold under this condition shall be held open for up to 120 days, after which the lot will not be returnable for any reason. Items that already have such certificates are sold on the basis of those certificates (unless otherwise stated in the description). Expenses for certificates shall be borne by the purchaser. If a negative opinion is received within the 120 days, the purchase price will be refunded in full, and the expertising fee (to a maximum of $40) will be paid by us. All lots sent on extension must be paid for under our normal terms. The inability of an expert committee to render an opinion on a lot is insufficient grounds for its return.

Claims for errors in description, including condition, must be made within 7 days after receipt, but no later than 45 days after the auction. Stamps returned must be in the state received and must be sent by registered mail or bonded courier. Lots back stamped, marked or encapsulated by experts or expert committees are not returnable. It is the purchaser's responsibility not to let this happen. Stamps described as having defects are not returnable on account of their condition. No lots may be returned by bidders who have had an opportunity to examine, or an agent, view them on their behalf before the sale, nor any stamps which have been photographed for perforations, centering, margins or cancellations. All stamps photographed in colour are reproduced with extreme care as to accuracy of colour and shade, however stamps photographed in colour may not be returned because of shade differences between the lot and photograph.


Les droits et devoirs semblent partagés de façon relativement équitable entre l'acheteur et la maison de vente. Entre parenthèse, on voit quel crédit est accordé aux signatures et marques d'expert de l'autre côté de l'Atlantique : une dégradation du timbre suffisante pour refuser tout remboursement...

Revenons à Numphil et continuons de lire ses conditions de vente :

Le mode normal pour enchérir consiste à être présent dans la salle de vente. Toutefois Numphil pourra accepter gracieusement de recevoir des enchères par téléphone d’un acquéreur potentiel qui se sera manifesté avant la vente.

Numphil pourra accepter gracieusement d’exécuter des ordres d’enchérir qui lui auront été transmis avant la vente et que Numphil aura accepté.

Voilà ce qui s'appelle ne pas vouloir vendre ! Comme si tout les collectionneurs de France et du monde pouvaient sauter dans un avion pour Paris le samedi matin pour assister à la vente le soir... Celui qui misera sur le timbre le plus rare du Canada en aura certainement les moyens. En aura-t-il le temps ou le goût, c'est moins certain.

Je suis un peu méchant car nonobstant le « mode normal d'enchérir » qui consiste à être présent, il est indiqué plus loin dans le catalogue de vente qu'il est possible de miser en direct par internet. Un bon point pour le vendeur !

Ayant l'avantage d'habiter en région parisienne, je pourrai assister à la vente en personne, il me suffira de prendre le RER A jusqu'au Champs-Élysée mais s'il me prenait l'envie de vouloir miser sur un lot, je devrai aller l'examiner attentivement auparavant, ce que je pourrai faire à Paris IXème du lundi au vendredi de 10h à midi et de 14h à 18h. Bravo, encore plus fort que les horaires des banques !

D'ailleurs la mienne, « afin de mieux me servir », ferme désormais à 13h le samedi plutôt qu'à 15h.

Allez, bonne nuit et rendez-vous samedi dans une semaine sur les Champs !


Mises à jour : Le timbre le plus rare du Canada est en couverture de catalogue mais on trouve également un timbre de Naples sur journal et j'ai noté un double de Genève utilisé localement.

vendredi 8 mai 2009

Les distributeurs Schermack

Au début du vingtième siècle, différents bricoleurs tentaient de concevoir une machine distributrice de timbres-poste qui aurait comme fonction supplémentaire d'humecter le dos du timbre et éventuellement de le coller directement sur une enveloppe, ce que nos aïeuls appréciait particulièrement pour le côté hygiénique de la chose. En effet, lécher le dos des timbres manipulés par les doigts du commis, n'était-ce pas laisser la place à la prolifération des bactéries découvertes par Pasteur, Koch et les autres ?

Aux divers vendeurs de ces machines, les autorités postales ont fourni des timbres non dentelés, afin qu'il puissent être adaptés par les fabricants des distributeurs. Les collectionneurs ayant eu vent de ces timbres non dentelés, ils demandèrent à ce que la vente de ses timbres soit publique, ce qui leur fut accordé. On trouve donc les timbres de 1¢, 2¢ et 5¢ de la série de 1902 sous cette forme.

Cependant, une commande spéciale de timbres de 10 000 timbres de 4¢ était également livrée à la Detroit Mailing Machine Company, qui devint la Schermack Company, du nom de l'inventeur d'une machine à affranchir, Joseph Schermack. Ces timbres de 4¢ étaient destinés à deux clients des machines de la Schermack Company, qui créaient des dentelures très particulières :

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 113 du 08.05.2009, lot n° 124.

Cote : 50 000$
Prix de vente : 62 500$

collection Richard Collier

Il semble qu'à l'époque cette « variété » soit passée complètement inaperçue et que sur les 10 000 exemplaires livrés, un collectionneur nommé Karl Koslowski put s'en procurer une cinquantaine, dont il en aurait conservé une vingtaine et qu'ici et là une trentaine de copies oblitérées furent récupérées des envois fait par les deux utilisateurs des machines à affranchir.

Rebelote en 1916 avec un autre timbre :


Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 113 du 08.05.2009, lot n° 180.

Cote : 65 000$
Prix de vente : 35 000$

ex Ballman, Scott, collection Richard Collier

Ces dentelures, baptisée Schermack type III, se retrouvent sur à peu près tous les timbres non-dentelés émis par les autorités américaines dans le premier quart du vingtième siècle. Cependant, seules les deux timbres ci-haut n'ont pas été émis non dentelés au public, d'où leur grande rareté aujourd'hui.


Mises à jour : De très nombreux timbres exceptionnels du monde entier sont offerts dans cette même vente, comme les premiers timbres d'Hawaï, un 12d noir du Canada et même des timbres à 1$...

vendredi 1 mai 2009

Une réimpression qui vaut une petite fortune

Au dix-neuvièle siècle, il n'était pas rare que des administrations postales réimpriment des timbres afin de satisfaire le marché des collectionneurs. Ces réimpressions étaient parfois réalisées à l'aide des matrices originales mais souvent sur un papier suffisamment différent pour qu'on puisse les distinguer de l'original.

Par exemple, la première série de Suède (1855) a été réimprimée en 1868 à 2000 exemplaires et en 1885 à 1620 exemplaires. Cette dernière réimpression est aisément distinguée des originaux par la dentelure, dont la taille est différente.

Ces réimpressions sont aujourd'hui des curiosités et leur valeur marchande est souvent inférieure à celle des timbres originaux.

Les Américains ont fait de même avec leur série de 1870 à la seule différence qu'ils ont donné à ces réimpression un numéro de catalogue distinct. Le n° 204 est la réimpression du n° 185, qui est le même timbre que le n° 179, lui réimprimé en tant que n° 181. Bref, les collectionneurs désirant avoir une collection « complète » des États-Unis chercheront donc à obtenir cette réimpression :

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 112 du 29.04.2009, lot n° 1113.

Cote : 350 000$
Prix de vente : 500 000$

ex Hetherington, Anderson, Floyd
collection James M. Minervo

L'exemplaire offert ici tout simplement superbe et, comme il y a aujourd'hui dix-huit exemplaires connus de ce timbre cette réimpression, on imagine mal qu'il soit surpassé.

Il y a cependant moins d'un an qu'était vendu un autre très bel exemplaire (décrit en 1991 comme le plus bel exemplaire connu) :

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 963 du 28.10.2008, lot n° 828.

Cote : 350 000$
Prix de vente : 375 000$

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 737 du 20.04.1991, lot n° 555.

Cote : 30 000$
Prix de vente : 37 500$

ex Caspary, collection Ambassador, Cole, Greenblatt, Weisman, Ballman, Hansen

Ce timbre est accompagné de pas mois de cinq certificats d'authenticité !

La maison Siegel n'étant jamais à court de raretés, elle vendait il y a deux ans « one of the finest of the 18 recorded copies » :

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 937 du 16.06.2007, lot n° 177.

Cote : 100 000$
Prix de vente : 300 000$

ex Lyons

Il faut cependant remonter dix ans pour trouver un autre exemplaire, lui aussi « one of the finest of the 18 recorded copies » (à se demander s'il sont toutes parmi les plus belles...) :

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 804 du 08.10.1998, lot n° 401.

Cote : 35 000$
Prix de vente : 45 000$

ex Green, Engel, Klein, Zoellner

Allez, un petit dernier pour finir ! Celui-ci est « magnificent » :

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 759 du 19.05.1994, lot n° 205.

Cote : 30 000$
Prix de vente : 32 000$

ex West, collection Concord

La maison Siegel a réalisé un inventaire des dix-huit exemplaires connus, ce qui permet de comparer et de se faire une idée des « plus beaux exemplaires » et je dois avouer, malgré la petite pointe d'ironie que j'ai laissé transparaître, que les exemplaires présentés ici sont effectivement plutôt bien.

Malgré tout, je n'en pense pas moins qu'il s'agit d'une simple réimpression, une variété anecdotique, qui aurait pu porter le n° 155r par exemple. Et là la cote aurait peut-être été de 3500$ plutôt que 350 000$...

samedi 25 avril 2009

Kamehameha III, roi d'Hawaï

Avant d'être un état américain, l'archipel des Hawaï était connu sous le noms des Îles Sandwich. Découvertes par Cook en 1778, les Îles avaient été peuplées deux millénaires auparavant par des immigrants polynésiens.

Rapidement, l'archipel sera visité par d'autres Européens qui transmettront aux autochtones rougeole, variole, grippe et autres virus inconnus des populations locales, qui succomberont en masse.

À la même époque, celui qui deviendra le roi Kamehameha I étend sa domination sur tout l'archipel, qui est ainsi unifié. Son fils ainé règnera de 1819 à 1824 sous le nom de Kamehamena II. Son deuxième fils règnera de 1824 à 1854 sous le nom de Kamehameha III.

Durant son règne, la monarchie sera transformée en monarchie constitutionnelle et l'influence grandissante des grandes puissances occidentales transformera profondément le paysage politique. L'annexion de l'archipel par les États-Unis, qui aura lieu en 1898, semblait déjà une possibilité auquelle il serait difficile d'échapper.

Son portrait orne la deuxième série de timbres émis par Hawaï :

Mis en vente par Schuyler Rumsey Philatelic Auctions, vente aux enchères n° 33 du 23.04.2009, lot n° 3517.

Cote : 10 000$
Prix de vente : 5750$

Les inscriptions dans les bandes latérales du portrait expliquent le tarif alors en vigueur, 5¢ pour la partie du trajet Hawaïenne jusqu'à San Francisco, 8¢ pour la partie américaine. Deux solutions s'offraient à l'expéditeur d'une lettre à destination de l'est des États-Unis : affranchir la lettre avec un timbre de 13¢ ou affranchir avec un timbre de 5¢ et compléter par un timbre américain.

En 1857 le timbre de 5¢ (de couleur bleu) venant à manquer, un second tirage sera commandé mais en attendant son arrivée, l'intendant des postes de Honolulu, Joseph Jackson, décide de surcharger à l'écriture manuscrite des timbres de 13¢ pour les transformer en timbres de 5¢. Pour la petite histoire, il a rapidement confié le travail de surcharge à son commis, Alvah Clark. La plupart des exemplaires connus, dont celui illustré ici, sont de la main de Clark.

Mise à jour du 5 mai 2009

Il suffit parfois de remarquer un timbre dans un catalogue de vente pour s'apercevoir qu'il est offert dans une ou plusieurs autre ventes au même moment :

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 113 du 08.05.2009, lot n° 350.

Cote : 10 000$

ex Ostheimer, Honolulu Advertiser, Twigg-Smith
collection Richard Collier

Cet exemplaire est particulièrement bien oblitéré et risque de ne pas déparer la collection de celui qui s'en portera acquéreur. On notera que la forme du 5 est très proche de celle de l'autre exemplaire mais que l'origine manuscrite de la surcharge ne fait aucun doute.



Mises  à jour : Inverted Jenny, position 17 et une autre rareté d'Hawaï.

mercredi 22 avril 2009

Les bisous, ça n'a pas de prix

Une erreur moderne relativement fréquente est l'impression de timbre sans sa valeur d'affranchissement. Personnellement, je trouve que cette erreur est particulièrement mignonne sur ce timbre :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 29.04.2009, lot n° 364.

Cote : 17 500€
Mise à prix : 9500$
Prix de vente : Invendu

Les amoureux de Raymond Peynet sont trop touchants pour être vendus 2,10 francs... et vont si bien avec la musique de Brassens :






Mises à jour : Encore un 1fr vermillon sur lettre, un bloc de 6 du penny black puis deux timbres de la poste aérienne de Terre-Neuve, 1 et 2.

samedi 18 avril 2009

Bleu, bleu marin

L'erreur de couleur que je vais vous présenter aujourd'hui n'est pas spectaculaire mais au contraire toute en nuance. Il est fort probable qu'avant qu'elle ne soit découverte par un collectionneur attentif, elle soit passée totalement inaperçue.

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 968A du 14.04.2009, lot n° 278.

Cote : 240$
Prix de vente : 550$

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 968A du 14.04.2009, lot n° 279.

Cote : 35 000$
Prix de vente : 18 000$

Le premier timbre est tout ce qu'il y a de plus normal (si ce n'est qu'il est plutôt bien centré !) tandis que le deuxième est de la mauvaise couleur. La différence est subtile et serait une simple variété de couleur si un chimiste n'était pas passé par là et avait montré à l'aide d'analyses spectrales que la couleur du deuxième exemplaire illustré ci-haut était en fait celle du timbre de 1¢ de la même série.

Il va de soi qu'un tel timbre se doit d'être accompagné d'un certificat d'authenticité. On ne connaît pas le nombre d'exemplaires imprimés dans la mauvaise couleur, si ce n'est qu'il y en a eu au moins deux feuilles.

Un bloc de quatre est également offert dans cette vente :

Mis en vente par Robert A. Siegel Auction Galleries, vente aux enchères n° 968A du 14.04.2009, lot n° 280.

Cote : 160 000$
Prix de vente : 100 000$




Mise à jour : L'exposition pan-américaine de 1901 en blocs de quatre, avec centre inversé.

lundi 13 avril 2009

Jammu-et-Cachemire, n° 1

Durant la mainmise britannique sur le continent indien, la région du Jammu-et-Cachemire était un état princier. Créé en 1846 suite à la première guerre entre la Compagnie des Indes orientales et le royaume Sikh, il cessera d'exister en 1947 lors de l'indépendance de l'Inde et de la création du Pakistan.

Malheureusement pour les habitants, ces deux pays se disputeront (et se disputent encore...) la souverainneté de la région. Il es résultera trois guerres, de nombreux actes de déstabilisation ainsi que des menaces nucléaires. La question n'est toujours pas résolue et c'est, avec le conflit Israélo-Palestinien, l'un des conflit territorial non résolu aussi vieux que la création des Nations Unies, il y a plus de 60 ans maintenant.

À l'époque de l'état princier, le mahârâja est hindou et la population majoritairement musulmane, ce qui n'arrange pas les choses. En fait, le Jammu est hindou et le Cachemire musulman.

Revenons cependant à la philatélie. En 1866, cet état émet ses premiers timbres. Il s'agit de tampons imprimés à l'aide de... peinture à l'eau ! La qualité est particulièrement médiocre :

Jammu-et-Cachemire, n° 1
Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères du 01.05.2009, lot n° 60043.

Valeur estimée : 12 000 à 16 000€
Prix de vente : 14 000€

Inutile de préciser qu'avec de tels timbres, les faux et les réimpressions sont monnaie courante et bien malin le collectionneur non spécialiste qui pourra distinguer les uns des autres.

Ce bloc de 12 est néanmoins exceptionnel et ces timbres sont si peu souvent illustrés dans les ventes ou présents dans les expositions qu'ils faisaient, parmi toutes les raretés présentes dans cette vente de David Feldman, un candidat parfait pour illustrer ce blog.


Mises à jour : Une création philatélique 2+3=5, un bloc de quatre du premier timbre du Danemark, une paire tête-bêche de Finlande, un extraordinaire 1 fr vermillon neuf, le même sur une lettre pour Tonnerre, un pli taxé de Guadeloupe, le premier type de surcharge sur le timbre de 5 mark de la Deutsch Neu Guinea, une lettre ayant pris le premier vol transatlantique, une deuxième à bord de l'avion de Francesco de Pinedo (et la description de ce dernier de son arrêt à Terre-Neuve).

samedi 4 avril 2009

Poisson d'avril ?

En 1973, le petit pays du Bhoutan émettait une série de timbres-poste tout à fait originale :

Timbre microsillonTimbres microsillons
Mis en vente par Alan Blair Stamps, vente aux enchères n° 119 du 04.01.2009, lot n° 15.

Cote : 400$
Prix de vente : 140$

Mis en vente par lebstamp sur ebay, lot n° 110369705054.

Prix net : 240$
Cote : 400$
Prix de vente : 240$

Il s'agit de... microsillons ! Ces « timbres » contiennent un résumé de l'histoire du Bhoutan, l'hymne national ou encore de la musique folklorique.

Bien qu'ils soient répertoriés dans la catalogue Scott, sous les numéros 152 à 152F, on imagine mal l'utilisation de ces timbres comme affranchissement. Le plus fort, c'est que les deux plus « grosses » valeurs sont affublées de la mention AIR MAIL mais le Bhoutan n'inaugurera son aéroport que dix ans plus tard, en 1983...



mardi 31 mars 2009

Marseille avec une longueur d'avance

Certains afficionados du ballon rond pourraient penser que je fais référence à un championnat bien connu mais non, ce qui m'intéresse ici est cette lettre, à première vue anodine :

Mis en vente par Giorgino, vente aux enchères du 27.03.2009, lot n° 1184.

Mise à prix : 15 000 Fr
Prix de vente : Invendu

Affranchie de d'une paire timbres Cérès de 10 centimes, cette lettre a été postée le 8 septembre 1850 à Marseille. Le 8 septembre ? Le premier jour officiel serait le 12 septembre selon le vendeur, ce que mon catalogue Yvert & Tellier ne confirme pas, l'information étant absente. Je me demande d'ailleurs à quoi il me sert ce catalogue...

Wikipédia précisant que la plus ancienne date d'utilisation connue est le 12 septembre, j'ai laissé un commentaire sur la page de discussion pour qu'un philatéliste plus chevronné modifie l'article s'il le juge bon. La lettre ci-haut, signée Calves, serait donc la plus ancienne connue avec ce timbre de 10 centimes.

Une autre curiosité, c'est qu'elle semble être insuffisamment affranchie. En effet, le tarif d'une lettre simple était passé de 20 à 25 centimes le 1er juillet 1850.

Quand on est de Marseille, on est condamné à ne plus croire à rien ! écrivait Gaston Leroux.



Mises à jour : Un 1fr vermillon sur lettre invendu à Paris tente sa chance en Suisse, un usage correct pour la surcharge aérienne Pasteur et ce qui semble être un double de Genève sur fragment.

mercredi 18 mars 2009

Danemark, n° 1

C'est en avril 1851 que le royaume du Danemark imprime son premier timbre-poste. Il s'agit d'un timbre de 4 rigsbankskilling, destiné à l'affranchissement du courrier intérieur.

Un mois plus tard, un timbre de 2 rigsbankskilling était émis, pour le courrier local cette fois-ci, principalement celui de Copenhague. C'est ce timbre qui porte le n° 1. Il sera tiré à près de 500 000 exemplaires et sera utilisé pendant 3 ou 4 ans, jusqu'au changement monétaire de 1854.

On distingue deux impressions. La première est réalisé directement à l'aide de plaques de cuivre, par M. W. Ferslew, qui est remplacé à sa mort par H. H. Thiele, qui procède plutôt par typographie. On distingue donc ces deux impressions par le relief du motif, plus prononcé pour la première. La deuxième impression fut environ quatre fois plus importante en volume que la première.

Les amateurs de types aiment particulièrement ce timbre car il y a dix clichés différents, recopiés dix fois pour former une planche de cent timbres, et deux planches différentes. On distingue relativement facilement les deux cents positions car chacune d'entre elle a été retouchée avant l'impression. De plus, les clichés de quatre positions de la première planche ont éventuellement été remplacés car abîmés.

Voici ce qui est sans nul doute l'un des plus bel exemplaire de ce timbre :

Mis en vente par Postiljonen, vente aux enchères du 04.04.2009, lot n° 5.

Mise à prix : 20 000€
Prix de vente : Invendu

ex Stig Andersen, Peer Lorentzen

Le timbre est neuf, en parfaite condition, de couleur radieuse, avec de belles marges amples et avec en plus sa gomme originale immaculée ! Impossible de faire mieux.

Il s'agit d'un exemplaire de la première impression, planche n° 1, position 63, type 3. Ce type se caractérise par les trois lignes horizontales à la droite du P de POST; la première est légèrement brisée vers la droite. Pour la petite histoire, KGL est l'abbréviation de Kongelig, qui signifie « royal ».

Mise à jour du 11 avril 2009

Voici l'unique bloc oblitéré de ce timbre :

Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères du 01.05.2009, lot n° 60007.

Valeur estimée : 120 000 à 180 000€
Prix de vente : Invendu

ex Scott

Il s'agit des positions 1, 2, 11 et 12, du deuxième tirage. Les bords de feuille gauche et supérieur n'ont pas été conservés. Le vendeur précise que ce bloc a été découvert il y a une vingtaine d'année dans un album philatélique d'une écolière.

Trois blocs neufs seraient connus, dont l'un se trouve au musée postal danois, que je n'ai malheureusement pas eu la chance de visiter durant mon séjour dans ce pays l'été dernier, même si je suis passé devant par hasard. Une autre fois peut-être !




Mises à jour : une paire neuve du premier timbre de Finlande, ainsi que la remise en vente d'un tête-bêche offert l'an dernier dans une autre maison de vente.

samedi 7 mars 2009

Une lettre dans le désert d'Atacama

Il y a des destinations qui sont suffisamment inhabituelles pour attirer notre attention :

Mis en vente par Antonio Torres International, vente aux enchères du 07.03.2009, lot n° 1406.

Valeur estimée : 4000£
Prix de vente : Invendu

Postée de Salta (on lit Salta Franca sur le cachet), ville du nord de l'Argentine, la lettre est affranchie d'un timbre de 10 centavos émis en 1862 (et normalement destiné aux envois outremer) et est à destination d'Atacama.

Atacama est un désert, l'un des plus vieux et arides du monde, juché sur un haut plateau des Andes. La pluviométrie y est pratiquement nulle; on pense que dans certaines zones il n'y aurait pas plus durant plusieurs siècles ! Paradoxalement, l'astronomie y trouve son bonheur en raison de l'altitude, de l'absence de nuage et de pollution lumineuse. On y installe actuellement une batterie de quatre-vingt radio-téléscopes.

Le désert d'Atacama se trouve aujourd'hui au Chili mais il y a 150 ans, les frontières ne sont pas tout à fait les mêmes et il semble que la lettre était à destination de la Bolivie, d'où le cachet POTOSI au verso, Potosí étant une ville du sud de la Bolivie. Cette ville est également particulière; située à une altitude de plus de 4000 mètres, c'est l'une des plus hautes du monde. Pourtant, sa population sera très importante au XVIIème et XVIIIème siècle, lorsque l'exploitation de mines d'argent battait son plein.

Où exactement habitait le destinataire de la lettre ? Difficile de le dire, peut-être dans l'une des oasis du désert, comme San Pedro de Atacama. Une destination probablement rarissime pour une lettre du dix-neuvième siècle.

Bonne lecture si comme moi vous suivez les liens !

mardi 3 mars 2009

Valevole per le stampe, capovolta

En 1890, l'Italie surcharge une série de timbres pour colis postaux afin de leur donner pouvoir d'affranchissement ordinaire. Qui dit surcharge dit innombrables variétés, dont la surcharge inversée qui semble tant passionner les collectionneurs :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 11.03.2009, lot n° 1229.

Cote : 100 000€
Prix indicatif : 47 500$
Prix de vente : 42 500$

Le vendeur précise que d'après Sassone, il n'y aurait que deux exemplaires de cette variété. Celui-ci est « unused with full original gum, small h.r., fine ». L'autre serait neuf sans gomme. Le vendeur en conclut que « this is undoubtedly the finest existing example of this world-class rarity ».

Le vendeur précise également que l'autre exemplaire a été vendu par lui-même en mars 2008. Grâce à ses archives on retrouve donc ce deuxième exemplaire :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères de 03.2008, lot n° 1422.

Cote : 90 000€
Prix de vente : 55 000$

Et là, surprise, la description de ce timbre précise que l'autre exemplaire connu serait défectueux ! Manifestement il ne l'est pas ou ne l'est plus...

Autre curiosité, l'augmentation de plus de 10% de la cote en un an alors qu'à priori il est peu probable qu'il y ait eu d'autre exemplaire de vendu que celui-ci. Suite à une vente de 55 000$ on augment la cote de 90 000 à 100 000€ ? S'il fallait une autre preuve que la cote ne représente pas la valeur marchande d'un timbre, c'en est une bonne.

Ce qui est intéressant, c'est que le catalogue Scott de 2002 le cote à 32 500$ neuf et 16 250$ oblitéré. Oblitéré ? Il y aurait donc plus de deux exemplaires ?

Mis en vente par AP Auction Phila, vente aux enchères n° 148 du 29.09.2007, lot n° 301.

Prix de vente : Inconnu

Le timbre en bas à gauche, il semble bien que ce soit celui qui nous intéresse...




Mise à jour : Un carnet de timbres d'épargne de guerre.

samedi 28 février 2009

L'idée saugrenue de la catapulte

En 1928, la traversée de l'Atlantique par paquebot demandait une petite semaine de cinq ou six jours. C'est cette année-là que les Français auront une idée qui semble aujourd'hui plutôt saugrenue afin de gagner un peu moins d'une journée dans les délais d'acheminement du courrier.

Ça se passe sur le paquebot Île-de-France, le 13 août 1928. Le paquebot, parti du Havre, est à environ 750 km de New-York, sa destination. Un hydravion, piloté par le lieutenant Demougeot, est catapulté (par un dispositif sur rail mû par des pistons à air comprimé) au-dessus de l'océan. Cet hydravion se posera sur l'Hudson (ça ne vous rappelle pas un événement récent ?), ce qui permettra de livrer le courrier à New-York un peu plus d'une demie-journée avant l'arrivée du paquebot.

L'expérience est un succès. Elle sera réitérée au voyage de retour vers Le Havre (en pratique l'hydravion puis durant de nombreuses autres traversées en 1929 et 1930, avant d'être abandonnée car, à défaut d'amuser la galerie, l'intérêt de cette manoeuvre n'est pas évident.

L'affranchissement d'un pli destiné à voyager ainsi était surtaxé de 10 francs pour la partie aérienne. Lors des deux premiers vols inauguraux (l'un vers New-York et l'autre vers Le Havre au retour), une griffe commémorative est apposée sur les plis :

AOUT-SEPTEMBRE 1928
PREMIER LIASON POSTALE AERIENNE
TRANSATLANTIQUE
PAR HYDROAVION LANCE PAR CATAPULTE
DE " L'ILE DE FRANCE "
PILOTE LIEUTENANT DE VAISSEAU L. DEMOUGEOT,

griffe complétée par un cachet octogonal LE HAVRE A NEW YORK ou NEW YORK AU HAVRE.

Suite à l'arrivée à New-York, l'engouement du public est grand et le consul français autorise deux surcharges afin de pallier à une éventuelle pénurie de timbres de 10 francs pour le voyage retour :

Mis en vente par François Feldman, vente sur offres n° 79 du 12.03.2009, lot n° 776.

Cote : 15 500€
Mise à prix : 7000€

Mis en vente par François Feldman, vente sur offres n° 79 du 12.03.2009, lot n° 778.

Cote : 19 250€
Mise à prix : 9000€
Prix de vente : Invendu

Ces timbres sont rares, 2700 et 900 exemplaires ont été surchargés. Il y a deux types différents; on voit sur les deux lots ci-haut que l'espacement entre le 10 Fr. et les deux barres horizontales n'est pas le même. Dans un cas on a 6 mm, dans l'autre huit.

L'administration n'a pas vu d'un très bon oeil ces surcharges; elles ont été démonétisées immédiatement. Ces timbres n'ont donc pu servir que sur les plis ayant fait le voyage retour.

Voici deux plis offerts dans la même vente :

Mis en vente par François Feldman, vente sur offres n° 79 du 12.03.2009, lot n° 777.

Mise à prix : 300€
Prix de vente : Invendu

Mis en vente par François Feldman, vente sur offres n° 79 du 12.03.2009, lot n° 779.

Mise à prix : 6000€
Prix de vente : 6489€

Ces deux plis présentent tous les deux un caractère artificiel. Le premier parce qu'il est adressé au lieutenant Demougeot qui n'est autre que le pilote; une remise en main propre n'était pas suffisante ? Le second car il est à destination de New York; il s'agit donc d'un envoi purement philatélique, peut-être de J.J. Klemann à lui-même. De plus, il serait insuffisamment affranchi (le montant de 10 francs ne servant à payer que la surcharge pour la poste aérienne). Le vendeur (qui donne par erreur le 23/8/28 comme date du cachet) ne précise pas s'il y a des marques d'arrivée au verso; on peut donc émettre l'hypothèse que la lettre n'a même pas voyagée.

Mise à jour du 30 mars 2009

Voici deux plis qui semblent être correctement affranchis :

Mis en vente par Giorgino, vente aux enchères du 27.03.2009, lot n° 1265.

Mise à prix : 8000 Fr
Prix de vente : 10 000 Fr

Chaque lettre est affranchie au tarif de 1,50 franc, auquel on s'ajoutent 10 francs correspondant à la surtaxe aérienne. Les timbres sont oblitérés du cachet approprié ainsi que divers autres éléments comme la griffe commémorative, la signature du pilote, etc.

Ce qui est quand même un peu dommage c'est que les lettres ont fait un détour par Brest avant d'être redirigées vers Paris, du coup le gain d'une journée offert par l'hydravion catapulté devient anecdotique.




Mise à jour : Ce que font les britanniques avec les lettres immergées dans l'océan.


jeudi 26 février 2009

Quelques raretés de Ceylan

Le Ceylan, qui se nomme aujourd'hui le Sri Lanka, est une importante île se trouvant au sud-est de l'Inde. Colonie britannique au moment de l'invention du timbre poste, ses premiers timbres sont naturellement ornés de l'effigie de la reine Victoria.

Les premiers timbres sont émis de 1857 à 1859 non dentelés puis dentelés pendant une petite dizaine d'années. Les valeurs vont de un penny à deux shillings. Oblitérés, ces premiers timbres sont abordables (enfin, tout dépend du point de vue) mais neufs, plusieurs d'entre eux sont de grandes raretés.

Une collection spécialisée de Ceylan ayant récemment été dispersée, profitons-en pour présenter quelques exemplaires de ces raretés :

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 109 du 18.02.2009, lot n° 54.

Valeur estimée : 200 000 à 250 000$
Prix de vente : Invendu

ex Baron de Worms, Sir Ernest de Silva, Lars Amundsen, Raymond H. Weill, collection Joseph Hackmey

Que demander de plus pour ce timbre en parfaite condition qui est l'un des rares exemplaires à avoir conservé une partie de sa gomme originale ?

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 109 du 18.02.2009, lot n° 65.

Cote : 28 000£
Valeur estimée : 40 000 à 50 000$
Prix de vente : Invendu

collection Joseph Hackmey

Un autre très bel exemplaire, avec gomme originale redistribuée.

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 109 du 18.02.2009, lot n° 68.

Cote : 45 000£
Valeur estimée : 80 000 à 100 000$
Prix de vente : 65 000$

ex Baron de Worms, Dale-Lichtenstein, Pearson, collection Joseph Hackmey

La troisième rareté de cette série est ce timbre de 9 pence. Cet exemplaire est encore une fois excellent malgré un très léger pli dans le bas du timbre. Il possède une partie de sa gomme originale. Il s'agit d'un exceptionnel trio qui donne un aperçu du contenu de la collection de Joseph Hackney, qui regorgeait d'objets philatéliques hors du commun.

Voici deux autres exemplaires de ces timbres qui figuraient dans la collection :

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 109 du 18.02.2009, lot n° 55.

Valeur estimée : 30 000 à 40 000$
Prix de vente : 20 000$

ex Baron de Worms, Sir Ernest de Silva, Pearson, collection Joseph Hackmey

Mis en vente par Spink Shreves Galleries, vente aux enchères n° 109 du 18.02.2009, lot n° 66.

Cote : 28 000£
Valeur estimée : 15 000 à 20 000$
Prix de vente : 9000$

collection Joseph Hackmey

Ces deux timbres ne possèdent plus de gomme et le premier est défectueux (un pli et quelques taches dans le bas), ce qui explique leur valeur moindre.

Par les hasards du calendrier, un autre exemplaire neuf du timbre de 4 pence était offert aux collectionneurs il y a un mois :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères de 01.2009, lot n° 766.

Cote : 65 000£
Prix de vente : 24 000$

Un exemplaire sans gomme (le vendeur précise que seuls un ou deux exemplaires existeraient avec gomme; un est illustré dans ce billet !) mais sans défaut.

Chez le même vendeur, en remontant un an dans le passé, on retrouve également les deux exemplaires suivants :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères de 09.01.2008, lot n° 1878.

Cote : 60 000£
Valeur estimée : 60 000$
Prix de vente : 62 500$

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères de 09.01.2008, lot n° 1879.

Cote : 25 000£
Valeur estimée : 30 000$
Prix de vente : Invendu

Le timbre de 4 pence est en excellente condition et possède toute sa gomme originale (c'est le deuxième illustré dans cet article, ce qui infirme la possibilité qu'il n'y en ait qu'un seul...). Le timbre de huit pence n'en possède pas et est affligé de défauts mineurs. La valeur estimée semble donc surélevée, ce qui est confirmé par le résultat de la vente.

mardi 24 février 2009

Bavière, n° 1, tête-bêche

Le premier novembre 1849, l'état de Bavière émet le premier timbre de la confédération germanique. Il s'agit d'un timbre de un kreuzer, noir, orné d'un imposant chiffre 1 entouré d'entrelacs. Il servait à payer le tarif local d'une lettre de moins de 16g.

Émis à 832 500 exemplaires, ce timbre, bien que recherché, n'est pas particulièrement rare. Sauf lorsqu'il se présente sous cette forme :

Mis en vente par Heinrich Köhler Auktionshaus, vente aux enchères n° 335, 336 du 24.03.2009, lot n° 2.

Prix de départ : 200 000€
Prix de vente : 320 000€

ex Ferrari, Dale-Lichtenstein, collection Fritz Kirchner

Cet imposant bloc de douze timbres, dont neuf possèdent une gomme immaculée, comporte un exemplaire tête-bêche sur la deuxième rangée. Seuls deux autres tels blocs seraient connus. Ces trois blocs permettent d'affirmer que le timbre inversé est probablement la position 36 (sur une feuille de 180), si j'ai bien compris le texte allemand.

Il est également intéressant de noter qu'il s'agit d'exemplaires imprimés avec la première planche, remplacée en juillet 1850 par une deuxième en laiton plutôt qu'en cuivre, ce qui allait améliorer la netteté d'impression.

Ein faszinierendes Stück, welches zweifellos zu den größten Seltenheiten der klassischen Philatelie gehört, ce qui est peut-être un peu exagéré, mais il s'agit certainement d'une des pièces les plus onéreuses de la philatélie allemande.

dimanche 15 février 2009

Lorsque la philatélie s'intéresse aux mathématiques

Introduction

Les philatélistes qui se spécialisent dans les émissions du milieu du dix-neuvième siècle finissent un jour ou l'autre par s'intéresser aux variétés positionnelles. Ces variétés constantes permettent d'identifier la position d'un timbre dans la planche d'impression. Cette identification peut être triviale comme sur les premiers timbres émis par l'Angleterre où deux lettres dans les coins du timbre identifient de façon claire la position du timbre, de AA à TL. La plupart du temps cependant l'identification nécessite un examen attentif d'infimes détails d'impression et la comparaison de ceux-ci avec un ouvrage de référence.

Mis en vente par Spink, vente aux enchères n° 8042 du 03.12.2008, lot n° 149.

Cote : 20 000£
Valeur estimée : 2500 à 3000£
Prix de vente : Invendu

La question du philatéliste

Supposons que je veuille débuter une reconstruction de planche, c'est-à-dire trouver, pour un timbre donné, un exemplaire pour chaque position de la feuille complète. Combien de timbres dois-je m'attendre à acheter ou examiner avant d'obtenir une collection complète ?

L'analyse du mathématicien

La première hypothèse à faire, c'est que la probabilité d'obtention de chaque position est équiprobable. C'est à priori le cas puisque les timbres sont imprimés en feuilles complètes. Notre hyporhèse est donc parfaitement acceptable, sauf si l'une des positions présentait un caractère exceptionnel (comme une variété nettement visible), auquel cas les philatélistes auront porté attention à cette variété et il est plausible que plus d'exemplaires de cette position que des autres auront traversé le temps. Nous maintenons néanmoins notre hypothèse.

La seconde hypothèse qui permet de simplifier considérablement l'analyse est de supposer que le tirage du timbre considéré a été très important en terme de volume. En effet, s'il ne l'avait pas été, une fois une position ajoutée à notre collection, la probabilité d'occurence de cette position diminuerait. Cas extrème, si une seule feuille a été imprimée, une fois que j'ai ajouté une position à ma collection, je n'ai plus aucune chance d'obtenir la même position. Nos calculs supposerons en fait que le tirage a été infini.

Le troisième point qu'il est important de considérer est de savoir qu'elle est exactement la question. La réponse mathématique est simple, notre ami philatéliste souhaite connaître l'espérance du processus aléatoire qu'il décrit implicitement. L'espérance est une moyenne pondérée par la probabilité de chaque événement.

Faisons une parentèse pour illustrer l'espérance mathématique. Est-il plus rentable d'assurer une Peugeot 206 valant 12 000€ contre le vol pour 75€ / an, sachant que le taux de vol est de 100 véhicules / 100 000. Si j'assure mon véhicule, je dépense avec certitude 75€ / an. Sinon, je peux « espérer » perdre 12 000€ multiplié par un millième, soit 12€ / an. Sur une très longue période, il est donc nettement plus avantageux de ne pas assurer son véhicule. Cependant, à peu près tout le monde assure son véhicule contre le vol, et je vous laisse le soin de méditer sur le sujet.

Notre ami philatéliste, connaissant l'espérance, voudra également avoir une idée plus précise de ce à quoi il doit s'attendre. Nous lui fournirons donc le nombre de timbres qu'il devra examiner pour avoir par exemple 75% ou 90% de chance de compléter sa collection.

Un exemple concret

Avant de nous lancer dans nos calculs, prenons l'exemple concret d'un philatéliste qui voudrait avoir les deux moitiés d'un Double de Genève. Les deux premiers timbres qui lui seront offerts peuvent être
  1. Le gauche puis un deuxième gauche.
  2. Le gauche et le droit.
  3. Le droit d'abord et ensuite un gauche.
  4. Le droit puis un deuxième droit.
On voit qu'il a donc une chance sur deux de réussir sa collection avec les deux premiers timbres. Dans le premier et le quatrième cas, il devra attendre un qu'un troisième exemplaire soit offert et il sera face aux possibilités suivantes :
  1. Gauche, gauche, gauche.
  2. Gauche, gauche, droit.
  3. Droit, droit, gauche.
  4. Droit, droit, droit.
Ainsi, s'il a échoué à la compléter en deux fois, il a encore une chance sur deux de la compléter en trois fois, et ainsi de suite.

En résumé, notre collectionneur a 50% de chance de réussir sa collection dès les deux premières offres qui se présentent, 75% en trois, 87,5% en quatre, etc. Son espérance est égale à


ce qui donne, en ajoutant tous les termes jusqu'à l'infini, 3, tout simplement. Le collectionneur doit donc s'attendre à examiner trois exemplaires avant d'en voir un gauche et un droit.

Cas général

La solution du cas général nécessite quelques compétences en analyse combinatoire. Le problème est équivalent à étudier les mots qui contiennent au moins une fois chacune des lettres d'un alphabet donné. Si n est le nombre de lettres de l'alphabet et k est la longueur d'un mot, alors


est le nombre de mots de longueur k qui contiennent au moins une fois chaque lettre de l'alphabet, si k est bien sûr supérieur ou égal à n. Pour avoir une idée d'où cette formule sort, il faut se rappeler des diagrammes de Venn. Le privilège du mathématicien est de pouvoir dire que le résultat est évident et que le soin de la démonstration est laissé au lecteur...

La probabilité qu'un mot de k lettres contiennent toutes les lettres de l'alphabet est donc donnée par


et la probabilité qu'un mot de k lettres contiennent toutes les lettres de l'alphabet mais que ce ne soit pas le cas pour le même mot auquel on enlève la dernière lettre est


Nous avons donc toutes les billes pour calculer ce qui nous intéresse, y compris l'espérance, qui est donnée par


Exemples de calculs

Il est maintenant temps de sortir la calculatrice :

Nombre de positions 2 4 25 100 240
Espérance, en nombre de timbres
3,00 8,33 95,40 518,74 1454,38
50% de taux de réussite
2 7 90 497 1403
75% de taux de réussite
3 10 111 584 1613
95% de taux de réussite
6 16 152 754 2025
99% de taux de réussite
8 21 192 916 2415
99,9% de taux de réussite
11 29 249 1146 2967

Ce tableau donne, pour quelques tailles de planche, l'espérance ainsi que le nombre de timbres requis pour avoir une probabilité donnée de compléter la collection. Ainsi, si je souhaite reconstruire une planche de 100 timbres, je dois m'attendre à devoir examiner 518,74 exemplaires avant d'en avoir vu un de chaque position. Il faut 754 exemplaires pour avoir 95% de chance d'en avoir vu un de chaque.

Les valeurs données ici sont arrondies, l'espérance pour n = 100 est par exemple exactement égale à


Ce logiciel est impressionnant !

La courbe de distribution de probabilité cumulative

Pour terminer, une courbe pour le cas n = 100 :


Une autre approche

Suite aux commentaires d'Emeric, je me dois de présenter une approche alternative pour calculer l'espérance. Supposons que parmi les n timbres que je souhaite obtenir, il m'en manque m. J'ai donc une probabilité m / n que le prochain timbre que j'examinerai ne fasse pas déjà partie de ma collection.

Plus généralement, la probabilité qu'il me faille examiner k nouveaux exemplaires avant d'en trouver un que je ne possède pas déjà est donnée par


Cette formule se comprend aisément; il me faut k - 1 échecs suivi d'un succès. L'espérance de ce processus, c'est-à-dire le nombre moyen de timbres que je devrai examiner avant d'en trouver un qui ne fasse pas déjà partie de ma collection est donnée par


Cette somme infinie est en fait une série géométrique et c'est probablement l'une des plus simple à résoudre, d'où la solution élégante et concise. Remarquez que lorsque m = n, c'est-à-dire lorsque je ne possède encore aucun timbre, l'espérance est égale à 1, ce qui le résultat attendu puisque le premire timbre que j'examinerai ne fera forcément pas partie de ma collection.

Compléter notre collection revient à ajouter un timbre à la fois, donc d'appliquer le processus aléatoire décrit ci-haut pour m = n, m = n - 1, m = n - 2, ... jusqu'à m = 1. L'espérance pour le processus complet est donc donnée par


ce qui, vous en conviendrez, est une formule infiniment plus simple que celle que j'ai donnée plus haut. À l'aide d'une calculatrice, on peut vérifier que les résultats sont identiques à ceux obtenus précédemment :

Nombre de positions 2 4 25 100 240
Espérance, en nombre de timbres
3,00 8,33 95,40 518,74 1454,38

Une approximation lorsque n est grand

En utilisant une propriété des nombres harmoniques découverte par Euler, on obtient l'approximation suivante lorsque n est grand :


où gamma est la constante d'Euler-Mascheroni, qui vaut 0,5772156649... et des poussières. L'approximation est-elle bonne ?

Nombre de positions 2 4 25 100 240
Espérance, en nombre de timbres
3,00 8,33 95,40 518,74 1454,38
Valeur approchée
3,04 8,35 95,40 518,74 1454,39

Même pour n = 2, l'erreur n'est que de 0,04. C'est ce qui s'appelle une convergence rapide !

L'équivalence des deux formules

Les deux formules pour l'espérance donnent le même résultat. Peut-on en faire la démonstration rigoureuse ? Sûrement, mais je n'y suis pas encore arrivé !

Pour terminer, j'ai découvert en furetant que le problème discuté dans cet article est connu sous le nom du coupon collector's problem.

Mise à jour du 22 avril 2009

Puisque cet article était illustré d'un bloc des premiers timbres anglais, faisons-nous plaisir avec ce rare bloc de six du fameux « penny black » :

Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctioneers, vente aux enchères du 29.04.2009, lot n° 467.

Cote : 135 000£
Mise à prix : 95 000$
Prix de vente : 100 000$

Si son prix est si élevé, c'est qu'il s'agit d'exemplaires de la planche n° 11, la dernière utilisée pour ce timbre. Contrairement au un penny rouge de 1864, le numéro de planche n'est pas imprimé dans les ornementations sur les bords du timbre; il doit donc être déterminé par l'examen des infimes différences qui caractérisent cette planche. Un certificat d'authenticité est donc incontournable.