dimanche 30 mai 2010

Sainte-Lucie, et vous appelez ça un timbre ?

Sainte-Lucie est une petite île des Caraïbes longtemps disputée entre les Français et les Anglais. Ces derniers ont pris définitivement le contrôle de l'île au début du dix-neuvième siècle. Peuplée en majorité de descendants d'esclaves, on y parle surtout le créole et l'île est aujourd'hui connue comme paradis fiscal...

Au niveau philatélique, les premiers timbres sont typiques d'une colonie anglaise et les plus récents se fondent dans l'immense masse de timbres émis par les micro-états des Antilles. Voici cependant une feuille complète du premier timbre « à percevoir », émis en 1931 :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgS9i0QvaiPcF7Wzz0ml8zBhBJo2yL503pjy9nTPm81sSBkeCG2k5EbbQd9XUz6UEdqqlckMf1osngBi_p4u37I1EU0kuXmTWDsZRXQru_i4TrcNBro1mjX0O0PniETuGwVmyopcXnFn3Bq/s400/29-05-2010-1.jpg

Mis en vente par R. Maresch & Son, vente aux enchères n° 457 du 16.06.2010, lot n° 1792.

Cote : 6733£

Prix de vente : 4000$

Cette feuille complète de 60 exemplaires nous permet de constater que chacun des timbres porte un numéro de série manifestement imprimé à la main. On ne peut que prendre en pitié le pauvre clerc qui a du les imprimer un par un... Cette tâche ennuyante et rébarbative donne évidemment lieu à tout un tas d'erreurs. 

Par exemple, dans la cinquième colonne, on peut voir en pâle, sous les nombres 7154 et 7155 les valeurs 7153 et 7154. On imagine que le clerc a simplement oublié d'incrémenter le chiffre des unités et qu'après avoir imprimé le 7154 il s'est rendu compte qu'il y avait deux fois le 7153. Il a alors rectifié en effaçant tant bien que mal son erreur. Idem pour 7170 par dessus 7169 en plus pâle. Le 7165 est également intéressant. Imprimé trop haut, ce nombre a été imprimé une deuxième fois mais avec un tampon différent. On imagine cette fois que l'imprécision a été vue plus tard et qu'une autre personne a rectifié le tir en réimprimant le n° de contrôle avec le tampon qu'il avait sous la main, qui était différent de l'original.

Je ne sais pas si le tirage total de ce « timbre » a été inférieur à 10 000 unités (je l'espère pour celui qui devait imprimer les numéros de série !) mais il ne vaut aujourd'hui qu'une poignée de dollars, à l'état neuf. Rarement offert oblitéré, il est probable qu'une très faible partie du stock a été utilisé à l'époque et que les surplus ont été écoulés auprès des philatélistes.

Néanmoins, cette feuille (et celle du 2d offerte dans la même vente) est une belle addition pour toute collection spécialisée dans les « Postage Due ».

jeudi 20 mai 2010

Le timbre plus cher du monde exposé à Londres

Si plus d'un timbre se disputent le titre du timbre le plus rare (ce sont tous les timbres ou plus précisément toutes les variétés de timbre connus à un seul exemplaire), la palme du plus cher revient sans conteste à ce timbre de Suède :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjBu8wkCx4SZGZw_H6mSsergWBLb6rmmc6T1MD1UhIkN9lBCi8EfqGBpK4-YI2OXgksHOs_nvALxMBMDyYRA1Scnpnb_NkaibHgF_Ug1qQiN2d2r1gNm2NgJOGpjYEDaxyAczrUBvmAfTMA/s400/18-05-2010-1.jpg

Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères privée du 22.05.2010, seul et unique lot.

Valeur estimée : 1 500 000 à 2 000 000€

Prix de vente : Inconnu

ex Ferrary, Carol II de Roumanie, Berlingen

Récemment exposé à Londres dans le cadre de l'exposition internationale décennale de Londres qui s'est terminée le 15 juin, ce timbre sera offert dans une vente aux enchères privée à Genève, le 22 mai 2010. Seuls les acheteurs potentiels seront admis et devront s'engager à

  1. Ne pas divulguer le nom des personnes présentes;
  2. Ne pas divulguer le nom de l'acheteur;
  3. Ne pas divulguer le prix de vente.

L'acheteur du timbre, qui sera vendu sans prix de réserve, pourra faire connaître les détails de la transaction s'il le souhaite. Tout ce qu'on sait, c'est que cet acheteur devra acquitter des frais de transaction de 19,5%, ainsi que la taxe de vente de 7,6% s'il est Suisse.

La valeur estimée est raisonnable au regard du prix atteint par ce timbre en 1996, 2 875 000 francs suisses (sans qu'il soit précisé si ce montant inclus ou non les frais de vente). D'ailleurs c'est la quatrième fois que David Feldman SA met ce timbre aux enchères (977 500 F en 1984, près du double en 1990 et le triple en 1996).

À Londres, le timbre était exposé... sous un escalier ! Bien seul dans un écrin, loin de la foule, un garde de sécurité assis à moins d'un mètre, et surtout quatre panneaux d'explications que je me suis empressé de lire et qu'on retrouve dans le catalogue de vente, disponible en téléchargement sur le site du vendeur. C'est d'ailleurs de ce catalogue que je tire la majorité des informations de ce billet.

Mais au fait, pourquoi ce timbre est-il rare ? Il s'agit d'une erreur de couleur; le timbre de 3 skilling banco est normalement vert alors que la couleur jaune orange était réservée au timbre de 8 skilling banco. C'est le seul exemplaire qui ait été découvert.

Pourquoi ce timbre est-il si cher ? Son authenticité ne fait aujourd'hui aucun doute et surtout ce timbre est une véritable star à l'histoire mouvementée, ce qui n'est pas le cas de tous les timbres uniques.

Commençons donc pas le commencement. La Suède émet ses premiers timbres en 1855, une série de cinq timbres représentant les armoiries royales. Chacun de ces timbres fera l'objet de plusieurs tirages qui sont aujourd'hui très bien documentés (j'ai d'ailleurs pu voir à Londres une magnifique collection spécialisée du 4 skilling banco et discuter avec le collectionneur qui me l'a présentée plus en détails). Le timbre qui nous intéresse a été oblitéré le 13 juillet 1857, à Nya Kopparberget, une petite ville du centre de la Suède fondée au XVIIème siècle près d'un riche gisement de cuivre. Sur le site de la ville, on apprends même que le 13 juillet est aujourd'hui le « jour du treskilling » au cours duquel il y a diverses animations dont un lever de drapeau à l'effigie du fameux timbre ci-haut !

En 1885, un adolescent du nom de Georg Wilhelm Backman décolle de la correspondance familiale conservée par sa grand-mère plusieurs timbres, dont l'exemplaire ci-haut, qui aurait été utilisé par Olof Leopold Sillén, un botaniste suédois, dans une lettre à destination de Per Wilhelm Sillén, grand-père de notre jeune adolescent. Le timbre en poche, l'adolescent le présente au marchand Heinrich Lichtenstein, qui promettait une somme allant jusqu'à 7 couronnes pour des exemplaires du 3 ou du 24 skilling banco, ces deux timbres étant été émis à moins de 200 000 exemplaires. Quelle ne fut pas la surprise du marchand de voir cet exemplaire jaune orange plutôt que vert ! Le jeune homme eu ses 7 couronnes... et le marchand 4000 gulden neuf ans plus tard, une somme colossale.

En 1917, le baron Philippe de la Renotière von Ferrary, l'acheteur du timbre en 1894, décède et lègue sa collection à l'état allemand. Cependant, les Allemands perdent la guerre et les Français, fort du traité de Versailles, liquident à leur profit l'extraordinaire collection du baron. Après avoir changé de main plusieurs fois, le timbre rejoint en 1937 la collection du roi Charles II de Roumanie. Durant la deuxième guerre mondiale, il est exilé et trouve refuge au Portugal, où sa collection de timbres lui permettra d'être à l'abri de la gêne.

Durant le deuxième moitié du vingtième siècle, le timbre est largement médiatisé. L'appellation Treskilling Yellow est aujourd'hui une marque déposée ! Toute cette agitation autour d'un timbre unique a bien évidemment soulevé des soupçons sur l'authenticité de la chose. Déclaré faux par un groupe d'expert en 1974-75, une étude poussée conclut à son authenticité en 1975. Les preuves irréfutables sont :

  1. Les archives postales, qui nous apprennent que Nya Kopparberget fait partie des villes qui ont reçu un tirage particulier du 8 skilling banco à l'été 1857.
  2. L'examen détaillé du timbre et des ses caractéristiques (couleur, impression, papier) qui correspondent exactement à celles du tirage susmentionné.
  3. Une diffractométrie à rayons X, qui prouve que l'encre est bien celle du timbre de 8 skilling.

Il s'agit donc bel et bien d'une erreur authentique; un cliché du 3 skilling a été introduit par erreur dans la planche du 8 skilling, quelques feuilles ont été imprimées puis distribuées aux bureaux de poste avant que l'erreur en soit rectifiée.

À 0,02675 grammes, ce bout de papier vaut aujourd'hui au moins 50 milliards d'euro le kilo ! Il peut être à vous samedi... pas mal pour impressionner les copains !

samedi 1 mai 2010

MonTimbraMoi, où l'art de transformer une bonne idée en galère

MonTimbraMoi, c'est la possibilité offerte par La Poste de créer des timbres personnalisés, à priori une excellente idée. Le philatéliste qui croyait encore pouvoir s'offrir un exemplaire de chaque timbre émis (223 timbres différents pour la France en 2009 ?) doit donc accepter l'évidence, ce n'est plus possible, ni même intéressant. On pourra toujours ergoter et soutenir qu'il ne faut collectionner qu'un seul exemplaire de chaque type de timbre personnalisé (le type étant plus ou moins défini par la couleur du cadre et les autres caractéristiques d'impression) mais quel collectionneur peut être vraiment convaincu que l'illustration d'un timbre n'a plus d'importance ?

Bref, laissons de côté les philatélistes et passons plutôt du côté de l'utilisateur de ce service, c'est à dire un citoyen lambda qui est très heureux de pouvoir créer son propre timbre. Pour créer un timbre avec une photo de son dernier-né pour envoyer à toute la famille, MonTimbraMoi, c'est parfait. Cependant, votre chroniqueur souhaitait faire un peu mieux et créer une véritable mise en page mettant en valeur le sujet qu'il avait choisi pour illustrer son timbre personnalisé. Et c'est là que les ennuis commencent...

N'arrivant pas à créer la mise en page que je souhaitais, j'ai consulté la FAQ du site et j'y ai appris que 

Votre image doit impérativement être au format JPG et d'un poids maximum de 4 Méga-octet. Votre photo doit avoir une résolution d’au moins 400 dpi afin de garantir une bonne qualité d’impression des timbres. En dessous, nous ne saurons garantir la netteté de l’impression. Les dimensions minimales de la photo doivent être de 368 x 528 pixels pour les timbres au format paysage, et de 528 x 368 pixels pour les timbres au format portrait. De plus nous ne pouvons traiter que des photos au format colorimétrique RVB, car les navigateurs internet ne savent pas gérer le format CMJN.

Attention : L'outil de recadrage rogne un bord tournant de 20 pixels. Si vous voulez que l'intégralité de votre sujet soit imprimé, vous devez ajouter un contour à votre image. Ses dimensions countour compris seront donc de 408 x 568 ou 568x408 pixels minimum.

Bon, suivons les instructions alors :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgP1JTaf-A9VImaLsTndwTH7ExVXFuCJL6va8PkWXxVmXWC_cbHUn843G5ptbL6fcFC5GxbTO3LzeeV8NjmY3HN9uavMUgmy7y0g-cimMnGk2r6Gvlqtzxm8hihB4tSO8uTk8Im8iGeF9H8/s800/12-04-2010-1.png

Cette photo fait 408x568, avec un cadre de 20 pixels (et d'ailleurs c'est un PNG et non un JPG, ça marche malgré ce que dit la FAQ). Après avoir téléchargé cette image, je passe à l'étape « mise en page » et là j'obtiens

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiZ4nxPfRkR7G8uzYDrlLHlUbjHOkiLF78FMEjfIeTDCswd4PxcUP78Hwefnr1nVTR-3lNwtzs7H5acHp0RxVv3orR4SYfMZcko3M-ZUgDWk2EuOE8zBRVIO6pzmC3XWa3C8GMHa8AGg2uC/s800/12-04-2010-2.png

L'image n'est même pas centrée... Il y a bien des outils permettant de déplacer l'image ou de modifier sa taille mais toute modification fine est inutile car lorsque vous serez satisfait, vous cliquerez sur « Valider et prévisualiser ma composition » et malheureusement...

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg22eDV3WtCk_fYL1WZxXqCzNLluPlvnaQd96R0vuArsqJibuxMIXL0rHbqgcC9p-7Y0RC7hZuJhA3ymmV8kbyre0qiH1JfDBDobUs4h35XJAQQC7LKefODiTjet5DUpoIUSdyZtfC3yeoU/s800/12-04-2010-3.png

... l'image n'est pas centrée correctement encore une fois, mais de façon différente ! C'est vraiment ridicule, n'importe quel développeur devrait être capable d'afficher une image à la bonne position ! La question qui se pose à l'utilisateur est donc de savoir comment son timbre sera imprimé, centré selon l'outil de mise en page ou centré selon la page de prévisualisation ? Vous remarquerez en passant que cette prévisualisation n'affiche pas le timbre tel qu'il sera imprimé puisqu'en effet il manque les informations ajoutées telles que « Lettre prioritaire 20g ». En effet, ce n'est qu'en commandant le timbre qu'on peut visualiser à quoi il ressemblera vraiment.

Commandons alors. Ah tiens, sur la page suivante on peut « enregistrer notre composition en haute résolution sur notre ordinateur ». Hop, c'est fait :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiPPmGzUrXHEQFh50OV-Po8Y8kSUWlE9CKxeYiA8FOYi9pT83MRb6Nb41xE2rfElJc0jX8pJRPFrn7s7UT2gfd1ewNcaHFbcMkr-tXHl5LNOM_xDN9Tb2pym2sM754ZlbYfo_zm4zbiXv4o/s800/12-04-2010-4.jpg

Catastrophe, le centrage est encore différent !!! Cette photo « haute résolution » est de taille 368x528, quelle que soit la résolution de votre image d'origine. De là on peut supposer qu'il est impossible de créer un timbre personnalisé avec une résolution supérieure, ce qui est quand même dommage pour les amateurs de détails. Les compositions finales étant conservées durant une durée limitée, le fait de pouvoir les télécharger est un plus (d'ailleurs, quelqu'un peut dire à La Poste qu'un disque dur de 1 To coûte aujourd'hui moins de 100€ et qu'on peut y sauvegarder... 1,5 millions de telles images ?).

Finalement, l'outil informatique mis à disposition du public étant inutilisable pour créer des compositions précises, j'ai abandonné mon idée initiale mais j'ai quand même créé mon timbre, en simplifiant ma mise en page pour qu'aucun élément ne dépende de sa position par rapport au bord de l'image :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8wyDmGHgLCKHQTliS0Ztq7HCrooUavcaSaKzRp4UOFLWBn4FnQRKRcFh8mRLx0HbL-a1MFIQJwdK6HI7HchpIJnf8L7WkNLugY6e3EhukabqYfqef_E7QUoovShN1Xob06JfEFWZJY3UF/s800/12-04-2010-5.jpg

Il s'agit du détail d'une oeuvre d'une artiste qui m'est chère, et dont j'ai ajouté le nom en petits caractères au sein même de l'oeuvre.

Lorsque j'ai reçu ma commande (30 timbres France et 10 timbres Monde), j'ai été agréablement surpris par le coup d'oeil général et le packaging. Cependant, la technique d'impression m'a surpris; on voit un tramage désagréable (et dont une couleur, le bleu, déborde dans le haut du timbre) qui masque une partie des détails et qui rend l'image globalement floue.

En résumé, une idée intéressante mais dont la réalisation comporte de nombreux défauts qui rendent cette idée inutilisable pour des créations de haute qualité.

S'il y a des philatélistes qui lisent encore, parmi les 30+10 timbres, 23+10 ont été utilisés pour affranchir 19+12 enveloppes identiques, toutes postées le même jour du même bureau de poste. D'ailleurs, j'ai eu le privilège de pouvoir oblitérer moi-même les exemplaires avec le cachet à date du bureau de poste ! Si l'artiste devient célèbre peut-être ces lettres seront-elles très recherchées dans quelques dizaines d'année...