jeudi 28 octobre 2010

La République socialiste fédérative soviétique de Russie à Berlin

Mais qu'est-ce que cette république ? C'est l'une des 15 républiques soviétiques qui formera l'URSS. C'est même la principale puisqu'elle correspond en gros à la Russie d'aujourd'hui. Transportons-nous dans le Berlin tourmenté de la République de Weimar, c'est-à-dire l'Allemagne après la première guerre mondiale et avant l'avènement d'Hitler.

Nous sommes à l'été 1922 et le ministre des affaires étrangères Walther Rathenau vient d'être assassiné, pour la plus grand colère des Berlinois. Ce ministre était l'un des négociateurs du traité de Rappalo, signé cette même année entre l'Allemagne et l'URSS, traité qui scellait la collaboration diplomatique, commerciale et militaire entre les deux grandes puissances. L'Allemagne enverra donc ses soldats s'entraîner en Russie, histoire de contourner les traités de paix signés avec les nations victorieuses, dont la fait partie la France.

Quel rapport avec la philatélie ? Dans l'immédiat aucun mais ça fait une belle introduction ! La RSFSR possède une ambassade à Berlin et, pour une raison que j'ignore, cette dernière décide de surcharger des timbres fiscaux (dans le cas qui nous intéresse des timbres servant à régler les frais consulaires) afin de les utiliser sur le courrier à destination de Moscou. Le consulat crée donc une surcharge de 12 et 24 marks qu'elle appose sur des timbres fiscaux de 2,25 et 3 roubles. Dans son élan, elle crée également des surcharges de 120, 600 et 1200 marks, cette dernière qu'elle appose sur quatre timbres différents. A quoi ça sert tout ça ? Aucune idée, seules les deux plus petites valeurs ayant semble-t-il été utilisées. Voici l'une des raretés de ce tirage :

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Mis en vente par Cherrystone Philatelic Auctionneers, vente aux enchères publique du 09.11.2010, lot n° 1586.

 

Prix indicatif : 300 000$

Valeur estimée : 300 000 à 400 000$

Prix de vente : Invendu

Il s'agit de la surcharge de 1200 marks sur un timbre de 50 kopecks. Seules deux feuilles de 50 timbres ont été ainsi surchargées. Le prix est néanmoins élevé pour un timbre connu à 100 exemplaires, surtout pour une surcharge sur un timbre fiscal. 

Le piège, c'est qu'en distingue cinq types (quasi-identiques) de surcharge en fonction de la forme des lettres. La distinction ne doit pas être si évidente que ça, mon catalogue Scott mentionnant trois types de surcharge... Bref, ce type V n'apparaît qu'à une position dans la feuille, la position 13, et donc qu'il n'y a que deux exemplaires de ce timbre, d'où sa valeur estimée au moins cinq fois supérieure aux prix atteints par d'autres exemplaires de ce timbre vendus dans dans les dernières années.

Une question philosophique pour toi collectionneur : le planchage de ce timbre semble être déterminé. Ainsi, puisque chacune des positions n'est représentée que par deux exemplaires, pourquoi payer plus cher pour celle-ci simplement parce que la forme d'une des lettres (le C) est très légèrement différente ?

Un dernier petit mot. Le vendeur nous offre un scan du verso du timbre, où l'on peut voir que toute une panoplie d'experts se sont empressés de laisser leur marque au dos du timbre, dont Romeko à Paris et Mikulski en Suisse, qui a également signé un certificat d'authenticité en 1985.

Mise à jour : La tentative de vol transatlantique de Martinsyde, Raynham et Morgan, une enveloppe qui ne se vend pas.

dimanche 24 octobre 2010

La Gaspésie à l'honneur : un timbre provisoire unique et controversé

Certains de mes lecteurs connaissent peut-être les « postmaster's provisionals » des États-Unis. Il s'agit de timbres non officiels émis par les responsables de certains bureaux de poste pour pallier à une bizarrerie administrative. En effet, l'administration postale met en place le principe du timbre-poste... sans fournir de timbres-poste aux bureaux de postes. Ces derniers se débrouillent comme ils peuvent et créent ce qui ressemble fort à des timbres.

Ce que je viens de découvrir en feuilletant le catalogue de la vente de novembre de David Feldman, c'est qu'il existe un tel « timbre » au Canada :

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Mis en vente par David Feldman SA, vente aux enchères publique du 17.10.2010, lot n° 60018.

 

Valeur estimée : 250 000 à 350 000€
Prix de vente : 280 000€

 

ex Ferrary, Burrus, collection « Consort »

Il s'agit d'une enveloppe datée du 7 avril 1851, postée de New Carlisle, une ville de Gaspésie au Québec, adressée à un certain Hugh Miller à Toronto. En haut à droite, le « timbre » de trois pence, le tarif simple en vigueur depuis le 6 avril 1851. Au dos un cachet d'arrivée daté du 16 avril. Sur le côté, en surimpression, la mention manuscrite Letter, R. W. Kelly, April 1851, vraisemblablement apposée par le destinataire, peut-être à des fins de classement.

Le 6 avril 1851, l'administration postale est transférée à l'administration britannique (rappelons que le Canada était une colonie...), un tarif unique de 3 pence payé par l'expéditeur entre en vigueur mais les premiers timbres ne seront disponibles qu'à la fin du mois. On suppose donc que le responsable de la poste de la petite ville de New Carlisle a créé ce timbre provisoire destiné à être utilisé durant le mois d'avril 1851.

En 1904, cette lettre est découverte par la communauté philatélique, par un certain E. B. Greenshields de Montréal, qui sollicite divers avis, dont celui de Donald King, postier et marchand de timbres à Halifax. C'est en contactant les autorités postales qu'il apprend que R. W. Kelly était le postier-maître à New Carlisle, au moins de 1851 (début des registres) à 1855. Il est donc vraisemblable qu'il ait été l'expéditeur de cette lettre. De plus, le village de New Carlisle a été fondé par des loyalistes, ces sujets britanniques qui ont fui les États-Unis à la suite de la guerre d'indépendance. Notre postier avait donc peut-être vu des correspondances ornées des timbres provisoires américains. Jusque là tout se tient.

Notre lettre unique rejoint la célèbre collection du comte de Ferrary puis celle de Maurice Burrus, qui la conservera pendant quatre décennies. En 1985 et 1986, la lettre est soumise à expertise et les deux certificats obtenus mentionnent que « la lettre semble authentique mais que son émission n'a pas été autorisée par l'administration postale » et que la lettre « est authentique, autant qu'on puisse en juger vu son unicité ». Ces informations sont tirées du catalogue du vendeur qui souligne les mots « authentique » et « unicité ». Le vendeur poursuit en précisant que récemment Sergio Sismondo a émis un autre certificat beaucoup plus détaillé et qui précise entre autre que l'écriture manuscrite a bien été apposée après le timbre et qu'il n'y a eu sur cette lettre aucune autre marque postale qui aurait été effacée. Le vendeur conclut donc qu'il s'agit d'une authentique émission provisoire, que l'exemplaire offert à la vente est unique et que bien sûr il est indispensable pour tout collectionneur qui voudrait avoir la meilleure collection consacrée au Canada...

Cependant, s'en suit un autre paragraphe dans le catalogue de vente qui justifie qu'il s'agit vraiment d'une émission provisoire. Pourquoi tant d'insistance ? Une petite recherche s'impose...

Finalement, la vérité est un peu plus nuancée. Les spécialistes ne semblent pas tous d'accord sur la question. En 2003, alors que le catalogue Scott pense ajouter cet item à ses cotes, des voix discordantes s'élèvent, il ne s'agirait peut-être que d'une inscription personnalisée et non d'une véritable émission provisoire. Quelle différence ? Je dirais aucune mais dans un cas, la valorisation est cent fois inférieure ! D'ailleurs, je n'ai pas trouvé trace de cote dans le catalogue Scott 2009, même si le vendeur affirme que c'est la première entrée de la section Canada. Là où ça fait mal, c'est que le très sérieux Fake, Forgeries & Experts a publié le résultat de la recherche effectuée par la non moins sérieuse Vincent Graves Greene Philatelic Research Foundation et que leur conclusion est qu'il ne s'agit pas d'une émission provisoire... C'est bizarre, le vendeur ne mentionne pas cette étude !

Au détour d'une page web, on apprend également que Sergio Sismondo aurait affirmé qu'il était « curateur » de cette pièce philatélique et qu'il avait pour objectif de l'exposer le plus possible pour la faire connaître. Rien à dire sur cette technique marketing de bonne guerre, cependant Sergio Sismondo est également l'émetteur du certificat sur lequel le vendeur base son argumentation.

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une pièce particulièrement intéressante de la philatélie canadienne mais à mon humble avis, des hommes d'affaires avisés tente de la commercialiser pour en obtenir un prix qu'il est difficile de justifier.

samedi 16 octobre 2010

Cocorico !

Il n'y a pas que les Américains, les Britanniques ou les Suisses qui peuvent se vanter d'avoir des timbres rares dont les prix défient l'imagination :

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhLkXPxfosvcXguDjyE9kCXnCamUjX9GiCOhfQGkDldCGi8B63LRhjHIrbmaMuYspfauuMzLbmRnAFm1Myjc4nW3-ZQiz99e5bP9nFX2uK_GFnGREwWz_pmIn2HvLKLfRUWh3ATMQvVjdzN/s800/16-10-2010-1.jpg

Mis en vente par Boule philatélie, vente aux enchères du 16.10.2010, lot n° 36.

Valeur estimée : 300 000 à 350 000€

Prix de vente : Inconnu

Mis en vente par Spink le 17.11.2003, lot n° 90

Valeur estimée : 200 000 à 275 000€

Prix de vente : 240 000€

ex Champion, collection « Lafayette »


Inutile de préciser qu'il s'agit d'un tête-bête du 80 centimes carmin à l'effigie de Napoléon III, vous l'aurez reconnu. La description de cette pièce est spartiate : « France, 1853-1860, 80c carmin en paire tête-bêche neuve avec gomme. Unique paire tête-bêche connue, grande rareté de la collection de France classique. » 

Pourquoi si peu de détails ? Ce n'est quand même pas tous les jours qu'une pièce unique est offerte à la vente ! Unique ? En fait pas vraiment, il y a également des paires tête-bêche oblitérées. Il y a en même plusieurs sur lettres... Il s'agit cependant de la seule telle paire à l'état neuf. Elle a été découverte par le marchand Théodore Champion (le premier à ouvrir boutique sur la rue Drouot à Paris) dans les années 1930.

Je termine en observant que lors de la vente de 2003, le timbre était décrit comme neuf avec gomme partielle (et non complète et intègre comme on pourrait naïvement le supposer) et que le scan très précis semble indiquer qu'il y ait un léger froissement du papier du timbre supérieur mais il peut s'agir d'un artifice; le vendeur ne mentionnant rien à ce sujet.